TOUT EST DIT

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mercredi 27 juillet 2011

Les vérités de Jean-Claude Trichet

Dans un entretien exclusif accordé au Point, le patron de la BCE revient sur le sauvetage de la Grèce, la dette et l'avenir de la zone euro. 


Jean-Claude Trichet se veut rassurant. "L'euro n'a jamais été menacé (...) il est stable, crédible, solide." Comparé aux États-Unis et au Japon, "la zone euro est dans une situation bien meilleure", son déficit budgétaire représentant la moitié de celui de ces deux pays. La faiblesse de l'Union européenne réside dans la prise en compte de ses États membres en tant qu'individualités. "La Grèce en particulier connaît une situation difficile", admet le président de la BCE. Sur le rôle de son institution dans ce contexte de crise, Jean-Claude Trichet est clair : "Notre responsabilité est de garantir à 17 pays et 331 millions de citoyens la solidité et la stabilité de leur monnaie, de leur épargne et de leur pouvoir d'achat." Mission accomplie selon lui, puisque depuis douze ans, la BCE a maintenu une inflation moyenne annuelle de 1,97 %, "en ligne avec notre définition de la stabilité des prix : moins de 2 %, proche de 2 %", déclare Jean-Claude Trichet. "La zone euro a connu depuis l'introduction de la monnaie unique une croissance comparable à celle des États-Unis, et elle a créé plus d'emplois : 14 millions, contre 8 en Amérique du Nord", ajoute-t-il.
Réussite globale mais bilan contrasté
La réussite est donc globale pour le directeur de la Banque centrale, mais individuellement, le bilan est un peu plus contrasté. Jean-Claude Trichet a participé au nom de la BCE au sommet réunissant les dirigeants de la zone euro, le 21 juillet. L'institution bancaire européenne a annoncé qu'elle allait, pour la seconde fois, débloquer un fonds d'urgence en direction de la Grèce. 110 milliards en 2010, 109 en 2011, un effort "absolument fondamental" pour que "la Grèce reprenne le contrôle de ses grands équilibres" : "Ce qui compte, c'est qu'elle (la Grèce) poursuive rigoureusement ses réformes structurelles et qu'elle s'engage résolument dans son programme de privatisation."
Un engagement primordial pour justifier les efforts collatéraux demandés aux citoyens européens, notamment aux Français. "Les Européens ne subventionnent pas la Grèce à fonds perdus. Ils investissent dans son redressement." Il faudra donc être patient et optimiste, selon le président de la BCE. La rigueur est la seule solution. L'éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, question soulevée par de nombreux acteurs, est "une hypothèse que personne n'a envisagée un instant", affirme Jean-Claude Trichet. "Comme citoyen, et non comme président de la BCE, je pense que les Européens progresseront jusqu'à créer une confédération d'États souverains d'un type entièrement nouveau, qui ne serait pas une imitation des États-Unis d'Amérique."

L'Allemagne veut donner des leçons d'économie à la Grèce

Le ministre allemand de l'économie, Philipp Rösler, a proposé mercredi à la Grèce de lui transférer un peu de sa culture économique et de son expertise, par exemple en matière de privatisations ou de formation en alternance.

  L'Allemagne va aider la Grèce à devenir un peu plus comme elle, a promis mercredi le ministre allemand de l'Economie, Philipp Rösler. Place des PME, administration, droit de la concurrence, orientation à l'export, dialogue social: "Nous espérons que la culture économique allemande se laissera transférer à la Grèce", a déclaré le ministre à l'issue d'une rencontre avec les principales fédérations économiques du pays.
Fédérations professionnelles, organismes publics et gouvernement allemands ont fait voeu de soutenir Athènes dans ses efforts de renforcement de l'économie et de la compétitivité, a-t-il expliqué. Les entreprises allemandes sont prêtes à investir en Grèce, notamment dans les énergies renouvelables, le traitement des déchets ou encore "les infrastructures" au sens large, a dit M. Rösler. Mais elles réclament au préalable un allègement de la bureaucratie, et des améliorations substantielles des conditions d'exercice de l'activité économique.
Pour cela l'Allemagne, première économie européenne et forte d'un des taux de croissance les plus élevés d'Europe, se tient à disposition avec son savoir-faire dans bien des domaines.                   "Il ne s'agit pas d'argent supplémentaire, il s'agit de structures, de processus", a expliqué le ministre. "Il est important de rappeler qu'il y a des lois en Grèce, de bonnes lois", a assuré M. Rösler assez maladroitement mercredi, "il faut s'assurer qu'elles soient respectées".
La consolidation de l'économie du pays est une exigence forte des partenaires européens d'Athènes qui sont tombés d'accord la semaine dernière pour voler une seconde fois à son secours. "Nous voulons faire des offres" aux Grecs, "et j'ai l'impression qu'elles seront si alléchantes que la Grèce va les accepter", a dit M. Rösler.
Les exemples concrets ne sont pas légion, mais pourraient par exemple prendre la forme d'un envoi de personnel du ministère de l'Economie pour monter un système de formation en alternance à l'allemande.
Athènes s'est engagé à privatiser pour 50 milliards d'euros d'actifs dans les années à venir, et pourrait aussi avoir recours à l'expertise allemande en la matière. Le pays avait mis en place au début des années 1990 un organisme chargé de la privatisation des actifs d'ex-RDA, la Treuhand, dont le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker a recommandé à Athènes de s'inspirer. M. Rösler a comparé la situation de l'économie grecque à celle des pays du bloc communiste il y a 20 ans. Mais "les processus vont prendre beaucoup moins longtemps" en Grèce, a-t-il promis.
Les initiatives pour la Grèce du jeune ministre (38 ans), en poste depuis début mai, relèvent pour beaucoup de considérations de politique nationale. Le vice-chancelier du gouvernement Merkel, est, comme tout son parti libéral FDP, en mal de reconnaissance. C'est, aux côtés de la chancelière Angela Merkel, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble qui parle en général au nom de l'Allemagne sur le dossier grec.

Roubini prédit l'éclatement de la zone €


L'économiste américain Nouriel Roubini estime que la probabilité de voir la Grèce et le Portugal devoir quitter la zone euro est encore élevée, malgré les mesures adoptées la semaine dernière par les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles.

"J'estime à 30% les chances de la Grèce ou du Portugal de sortir de la zone euro", a-t-il déclaré dans un entretien à l'hebdomadaire allemand Die Zeit à paraître jeudi.

M. Roubini, qui a à maintes reprises prédit la disparition de la zone euro, estime que le nouveau plan de sauvetage de la Grèce adopté jeudi, assorti de moyens élargis pour le fonds de soutien (FESF) pour se porter à l'aide des pays en difficulté de la zone, ne résout rien.

"Les responsables (européens) assurent que cette opération de sauvetage restera l'exception absolue, mais c'est une illusion. L'Irlande et le Portugal sont également insolvables", déclare-t-il, jugeant que les plans de sauvetage adoptés en fin d'année dernière pour l'Irlande et au printemps pour le Portugal ne seraient pas non plus suffisants.

Présidentielle : les candidats et ceux qui aspirent encore à le devenir (ou le redevenir)

Parmi les candidats et candidates déjà en piste il y a bien sûr Marine Le Pen. La nouvelle présidente du Front national (depuis huit mois) confirmera-t-elle dans les urnes la percée que lui accordent les sondages ? Ces derniers la situant dans le trio de tête, avec les représentants de l’UMP et du PS. Deux sondages réalisés en mars pour Le Parisien la qualifiaient pour le second tour. Depuis, l’obsession d’un 21 avril 2002 à l’envers hante les nuits de l’Elysée. La candidate de la droite nationale dispose en tout cas de plusieurs atouts. Des dégâts de l’Euro à ceux de la crise financière, de l’immigration galopante à l’insécurité croissante, de l’expansion musulmane à celle du chômage, de l’érosion du pouvoir d’achat à la flambée de l’immobilier, de la « démondialisation » à la demande de frontières et de protectionnisme, de la suppression de la bi-nationalité au rétablissement de la peine de mort, Marine Le Pen sera dynamisée par la colère de tout un peuple à l’égard de ses élites dirigeantes qui l’ont trompé depuis si longtemps. Autre atout : elle disposera aussi, dans la compétition élyséenne, d’un coach hors pair en la personne de Jean-Marie Le Pen.

Jean-Luc Mélenchon est lui aussi en selle pour 2012. Adoubé par le Parti communiste qui, après être tombé en dessous de 2 % avec la candidature de Marie-George Buffet en 2007, a préféré ne pas risquer pour l’année prochaine une nouvelle contre-performance peut-être encore plus humiliante, le fondateur et co-président du Parti de gauche bénéficie de surcroit d’un manque de concurrence sérieuse à l’extrême gauche. Les candidats vedettes de Lutte ouvrière et du NPA seront absents. Arlette Laguiller, déjà retraitée de la banque depuis de nombreuses années, se met également en retraite de la chose publique et passe le relais à une Nathalie Arthaud beaucoup moins connue. Au NPA la défection d’Olivier Besancenot laisse la place à un certain Philippe Poutou, connu jusqu’à présent par les seuls militants de son parti groupusculaire. Et encore, pas de tous. L’horizon électoral est donc relativement dégagé pour Jean-Luc Mélenchon, qui pourrait toutefois souffrir d’un autre handicap : celui de son passé politique d’ex-sénateur socialiste, et surtout d’ancien militant trotskiste (tendance lambertiste). Un passé qui passe mal chez certains électeurs communistes. Alain Sanders a déjà soulevé le lièvre dans Présent. Oui, mais, peut-on objecter, le ressentiment anti-trotskiste concerne surtout les sexagénaires et plus. Certes ! Mais les sexa et plus représentent justement l’essentiel de l’électorat communiste ou ce qui en reste. Le militant du PCF est aujourd’hui multicarte : dans sa poche, la carte du parti va de pair avec la carte vermeille.

Eva Joly est elle aussi officiellement sur la ligne de départ. Ecologiste de la onzième heure, elle a néanmoins séduit les Verts par la dureté de ses réquisitoires à la Fouquier-Tinville contre les ci-devant de la droite sarkozyste. La franco-norvégienne a joliment flingué Nicolas Hulot, chou-chou des sondages, des médias et des Bobo. Elle a même fait décerner à ce dernier l’oscar du c… de l’année, un trophée que l’animateur d’Ushuaia ne pensait sans doute jamais décrocher, tant la concurrence y est grande. Hulot en a paraît-il gros sur la patate (bio à 100 %). Il méditerait même un pamphlet vengeur contre ceux qui, selon lui, ont fait de l’écologie une secte. Bien que Cécile Duflot s’emploie à calmer sa rancœur, il serait étonnant que le chantre (blackboulé) de l’écologie télévisée s’implique beaucoup dans la campagne d’Eva Joly. Il pourrait même tout à l’inverse s’appliquer à lui glisser quelques peaux de banane bien verte…

L’espace centriste trop convoité ?

Le centre est-il à la recherche d’un candidat ou au contraire est-ce le trop plein ? Bien sûr François Bayrou prétend toujours détenir la légitimité de cette mouvance. Il espère même pouvoir dépasser les 18,6 % de suffrages qu’il avait obtenus lors du premier tour en 2007, et se qualifier enfin pour le second tour. Mais aujourd’hui, sur cet espace politique élastique, dont le potentiel électoral se situe entre 6 et 19 %, le Béarnais se trouve concurrencé par Jean-Louis Borloo et son Alliance républicaine, écologiste et sociale (ARES). Borloo, que d’aucuns disent très déterminé, « il a deux primaires à disputer, d’abord contre François Bayrou et ensuite contre Nicolas Sarkozy » et que d’autres, au contraire, trouvent encore très indécis. Certes : la cote de popularité de Jean-Louis Borloo est élevée. Comme l’était et le demeure celle de Nicolas Hulot. Problème : la popularité a souvent tendance à se dissoudre dans les urnes. Et si justement l’ancien ministre de l’Ecologie Borloo, et Nicolas Hulot, dit le commandant couche-tôt, se retrouvaient, comme ils l’avaient un temps projeté, pour faire équipe ? Ce serait sans doute le plus mauvais coup porté à Eva Joly, et, dans une moindre mesure, à François Bayrou. Autre intrus guignant les voix du centre : Dominique de Villepin. Mais les ambitions présidentielles n’inquiètent plus guère l’Elysée où l’on se contente de ricaner : « Il manque à Villepin le nerf de la guerre. » Les sponsors en effet ne se bousculent pas pour investir sur ce cheval de retour dont la caractéristique est, après plus de trente ans de carrière politique, de n’avoir jamais participé à une élection. Comme disait Voltaire : « L’argent sans le talent c’est une bêtise. Mais le talent sans argent, c’est une misère. » Et en tant que candidat Dominique de Villepin est à classer parmi les grands fauchés…

PS : en attendant la primaire…

Au PS, c’est le dénouement de la primaire d’octobre qui désignera le candidat à l’élection présidentielle. Hollande ou Aubry ? Sans oublier Ségolène Royal qui ne renonce pas et essaie maintenant de ratisser de l’extrême gauche à la droite gaulliste en passant par tous les centres. (voir Présent de mardi). Retraite à 60 ans, 35 heures, emplois jeunes, mondialisation, insécurité, sortie du nucléaire… Autant de thèmes sur lesquels les candidats à la primaire vont essayer de se démarquer les uns des autres. Au risque que leurs différences se transforment en divergences et ces dernières en empoignades. Selon l’appréciation inquiète d’un dirigeant socialiste : « La primaire peut nous apporter le meilleur. Mais aussi le pire. Cela dépendra du nombre des participants. » Et de la virulence des débats et de leurs séquelles…

Sarkozy va-t-il déclarer forfait ?

Et puis il y a le candidat de l’UMP. Nicolas Sarkozy va-t-il postuler à sa réélection ou pas ? La plupart des observateurs n’en doutent pas. Mais Jean-Marie Le Pen pense que non. Et il ne faut jamais sous-estimer le flair politique de l’ancien président du Front national. Dès 2005, il avait été le seul à prévoir l’irruption de Ségolène Royal dans la compétition présidentielle, sous l’incrédulité générale. Si son rejet dans l’opinion continue, il se peut que le président de la République décide de passer la main, plutôt que de s’exposer à une défaite trop humiliante. Et puis, Nicolas Sarkozy ne risque-t-il pas de voir sa campagne pour 2012 « sabotée » (dans le sens d’un manque d’enthousiasme et d’initiatives) par son propre entourage ? Ceux qui misent sur Jean-François Copé ou François Fillon en vue de 2017 n’ont aucun intérêt à un second mandat de l’actuel chef de l’Etat. Au contraire. Mieux vaut pour eux se refaire une santé dans l’opposition et affronter dans cinq ans une gauche au pouvoir, mais qui en sortira en capilotade…

Toutefois, pour l’instant, Nicolas Sarkozy semble croire encore à une possible chance de victoire. Dans les derniers sondages, il enregistre quelques oscillations vers la remontée. Et puis il spécule sur le fait qu’à gauche l’affaire DSK, finira, à terme, par nuire au PS. Et que, dans le camp opposé, l’abominable tuerie d’Oslo va handicaper la droite nationale. Surtout si les médias de gauche ou à la solde du pouvoir s’emploient, comme ils le font actuellement de toute leur force de frappe, à entretenir l’amalgame. « Hitler a déshonoré l’antisémitisme » estimait Georges Bernanos. Nos adversaires vont essayer de convaincre l’opinion, et en premier lieu les éventuels électeurs de la droite nationale, que les thèmes de cette dernière ont été déconsidérés de la même façon par le dément Anders Behring Breivik… Et dans ce genre de récupération malhonnête et diffamatoire, Sarkozy et les siens, aussi bien que les ténors de la gauche, sont des experts.

Nos voisins sont fils d’Odin

Après l'attentat d'Oslo et le massacre d'Utøya, les regards se tournent vers les groupuscules d'extrême droite qui se développent sur Internet. Mais leurs membres ont peu de points communs avec les néo-nazis traditionnels et les mouvements conservateurs extrémistes. 

Nordisk, un forum Internet d'extrémistes scandinaves qui compta Anders Breivik parmi ses participants, affichait récemment quelque 22 000 membres venus de tous les pays nordiques. Si parmi les extrémistes scandinaves les Norvégiens restent les moins bien représentés (sur Internet comme ailleurs), la police norvégienne mettait en garde dans un rapport de février dernier contre leurs liens de plus en plus étroits avec leurs homologues suédois, mais aussi avec des mouvements d'extrême droite en Russie, essentiellement les néo-nazis de Saint-Pétersbourg.
Les extrémistes scandinaves ne possèdent pas de structure commune. Cependant, selon Europol, les connexions internationales entre les groupes extrémistes ne cessent de se resserrer, et les liens tissés sur Internet sont approfondis lors de concerts de groupes favorables au “pouvoir blanc” prônant la suprématie de la race blanche.
"Nous sommes face au fondamentalisme du XXIe siècle, fondé sur la révolte contre une modernité odieuse et la défense d'une identité reposant sur la croix chrétienne, les liens du sang germanique, le culte d'Odin, le dieu scandinave de la guerre, et les sagas héroïques des Nibelungen", explique l'Italien Ugo Maria Tassinari, spécialiste des droites extrêmes.

Du skinhead tatoué au voisin sympa

En Europe, ce cocktail de xénophobie raciste et de thématiques religieuses est une spécialité des Scandinaves, mais ils ont déjà réussi à l'exporter vers l'Italie, notamment, où le mouvement extrémiste Militia Christi s'inspire des Nordiques.
Selon des estimations récentes, la Norvège ne compte qu'environ 2 000 extrémistes de droite. Avant l'ère d'Internet, ils seraient probablement restés dispersés dans le pays sans pouvoir facilement se rencontrer ou aiguillonner collectivement leur fanatisme dans des rassemblements compliqués à mettre sur pied. Aujourd'hui, la Toile permet à un "jeune garçon issu d'un foyer parfaitement normal" de mener une vie en apparence banale tout en participant activement à une "internationale extrémiste" accessible d'un simple clic : discuter, partager des conseils de lecture, échanger des informations sur les ennemis de la nation et chasser de nouvelles recrues.
En Allemagne aussi, l'extrême droite actuelle change de visage, délaissant de plus en plus celui du skinhead tatoué bâti comme une armoire à glace pour prendre les traits du voisin sympa et bien habillé qui ne dévoile son caractère véritable qu'une fois connecté sur Internet. C'est exactement le même phénomène qui avait eu lieu durant la décennie précédente avec Al-Qaida et ses partisans.

L'ennemi, c'est les "autres"

L'extrémisme norvégien tel qu'on le connaît aujourd'hui n'est cependant pas né sur les portails communautaires. Dès le milieu des années 1990, un certain Alfred Olsen, un individu à la stabilité psychologique incertaine, organisait des "conférences antisionistes" et aspirait à la mise en place d'un Mouvement de résistance populaire – Alternative chrétienne afin de combattre le "capitalisme marxiste", le "marxisme libéral" et les "agents étrangers" infiltrés au sein du gouvernement norvégien. Parallèlement, le musicien black metal Varg Vikernes propageait la haine par la musique avec un langage évoquant le néopaganisme, voire le satanisme – non sans un succès certain.
Vikernes a fini en prison pour avoir incendié des églises et, surtout, pour l'assassinat d'un autre musicien ; en prison, il a écrit un manifeste intitulé Vargsmål, "l'histoire du Loup", éloge de la loyauté, du courage, de la sagesse, de la discipline, de la vitalité et de la puissance des Scandinaves. Ses écrits circulent encore aujourd'hui sur les forums extrémistes et ont participé à la naissance d'un étonnant mélange des genres et des symboles : les tenants de l'idéologie d'extrême droite s'approprient aujourd'hui sans distinction la croix, le swastika et Odin.
L'ennemi, ce sont les "autres", par leur différence raciale, nationale ou religieuse (musulmans, juifs), mais aussi ces "autres" qui souillent l'esprit vital des nations : banquiers, cadres de multinationales, mondialistes et gouvernements qui ne comprennent pas le danger qui menace, voire soutiennent les "autres". Une croisade ou une révolution antimondialiste, voilà ce que veulent ces extrémistes.

Le populisme : à manier avec précaution

Bien qu'Anders Breivik soit le seul responsable des atrocités qu’il a commises en Norvège, c'est dans un terreau populiste qu'il a puisé ses d’idées délirantes. Cela en dit long sur l’état d’esprit de l’Europe, affirme un historien néerlandais. 

Après les attentats abominables d’Anders Breivik en Norvège, les discussions sur le rapport entre le tueur et les cercles idéologiques auxquels on peut le rattacher s’enflamment. En effet, lors d’attentats précédents, comme le meurtre de Theo van Gogh [réalisateur néerlandais controversé assassiné en 2004 par un extrémiste de l’islam], certains n’avaient-ils pas demandé des comptes aux coreligionnaires des auteurs ? Si les musulmans étaient alors tenus pour responsables, pouvons-nous traiter de la même façon les autres porteurs de l’idéologie de la nouvelle droite à laquelle adhérait Breivik ?
Il y aura peu de gens pour partager ou légitimer la manière dont Breivik justifie son massacre. Lui seul en est responsable. Et on ne peut donc demander des comptes qu’aux personnes qui justifient ou expliquent ses atrocités d’un point de vue idéologique et qui partagent donc l’ensemble de ses idées. Comme on ne pouvait porter un jugement que sur les personnes qui partageaient l’idéologie violente de Mohammed Bouyeri, l’assassin de Theo van Gogh. Mais il n’y a pas que cela.
La justification de la violence de Breivik provient d’une image de la réalité selon laquelle l’Europe est menacée par les politiques multiculturelles et l’islam. Son pamphlet de 1 500 pages "2083, A European Declaration of Independence" est remplie de théories connues des milieux de la nouvelle droite, représentée aux Pays-Bas par le PVV. Il s’agit surtout d’une vision déformée du monde où l’Europe serait menacée par l’islam. Breivik cite Geert Wilders [leader du parti populiste PVV] qui prétendait que les Marocains allaient coloniser les Pays-Bas et ne venaient pas pour s’intégrer mais pour assujettir les Néerlandais.
On rencontre également chez certains membres du PVV les théories sur le danger du "marxisme culturel". Il s’agit d’une image déformée de la réalité qui n’a rien à avoir avec la réalité sociale. C’est la vision du monde dont Breivik a tiré ses conclusions violentes. Il en est lui-même responsable. Mais qu’il ait pu rassembler autant d’idées délirantes en dit long sur l’état d’esprit de l’Europe, et en particulier des Pays-Bas où un mouvement avec de telles idées est associé au gouvernement par un accord de soutien [au Parlement].
La violence de Breivik était son acte. Lui seul en est responsable. Mais Breivik partage sa vision du monde mensongère et délirante avec d’autres. C’est là-dessus qu’il faut maintenant demander des compter à tous les adeptes. Il n’est pas si innocent de diffuser des mensonges, de créer des spectres trompeurs. Celui qui déforme la réalité ne doit pas être pris au sérieux comme l’une des nombreuses voix dans le débat sociétal. Il convient de le traiter avec rigueur. On peut lui demander d’arrêter de duper les gens. Cela vaut pour les populistes néerlandais qui propagent l’idéologie de la nouvelle droite. La récréation est finie. C’est l’heure de la vérité.


Contrepoint

Attention à l'exploitation politique

"Trop de politique nuit à la politique", prévient Maroun Labaki dans Le Soir. L'éditorialiste rappelle que pour le Premier ministre espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, la tuerie norvégienne "requiert une réponse européenne, une réponse commune pour défendre la démocratie" et qu'un porte-parole du Parti socialiste français a fustigé "l'idéologie du choc des civilisations et de l'incompatibilité des cultures""la haine et au terrorisme." qui mène à
"Le débat politique est une valeur en soi. L'exploitation politique ou politicienne, en revanche, ne grandit guère ceux qui s'y adonnent", affirme l'éditorialiste, qui rappelle que l'événement est le fait "d'un seul homme. Ce n’est pas une milice fasciste qui a débarqué au pas de l’oie sur l’île d’Utoeya."  "Loin de nous l’idée de banaliser l’extrême droite et la droite populiste. Elles sont dangereuses pour la démocratie, et la seconde plus qu’on ne le croit, avec son simplisme qui contamine la droite traditionnelle et le débat public", ajoute le journaliste, mais "il faut raison garder".

Dette grecque : premiers échanges d'obligations en août

Les banques privées sollicitées par le plan de sauvetage de la Grèce pourront démarrer leurs opérations dès le mois d'août. 
La procédure pour l'échange volontaire d'obligations publiques grecques détenues par les banques privées pourrait commencer en août, selon des propos tenus mardi par le ministre adjoint aux Finances grec. "Dans les jours à venir, les discussions en collaboration avec l'Institut de la finance internationale (IFI) définissant la procédure exacte à suivre seront achevées, ce qui permettra aux détenteurs de dette grecque de choisir l'une des quatre options proposées et de procéder à l'échange de titres de dette", a déclaré le ministre adjoint des Finances Philippos Sachinidis sur la chaîne Mega, selon le script de l'émission transmis par son cabinet. "J'estime que cette procédure peut commencer en août", a-t-il ajouté.
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En moyenne, les créanciers privés de la Grèce ont accepté la semaine dernière une perte de 21 % sur la valeur des prêts, qui prendra la forme de rachat d'obligations à prix cassés ou d'échange de leurs titres pour des obligations à plus long terme. Quatre procédures sont possibles : soit ils décident de garder la valeur faciale de leurs titres de dette, et dans ce cas ils peuvent les échanger contre un nouvel "instrument" avec une maturité de 30 ans, ou alors attendre qu'ils arrivent à maturité pour réinvestir dans cet instrument. Soit ils acceptent une décote sur la valeur faciale de leurs titres, et dans ce cas ils peuvent les échanger contre des "instruments" sur 15 ans, ou bien choisir des instruments sur 30 ans. Au total, banques et assureurs créanciers de la Grèce ont promis jeudi dernier de contribuer à hauteur de 54 milliards d'euros sur trois ans, et 135 milliards d'euros sur dix ans, à un nouveau plan d'aide pour la Grèce.
Selon l'Institut de la finance internationale (IIF), 30 institutions financières se sont déclarées volontaires pour cette opération, dont 22 de l'Union européenne, trois suisses, une canadienne, une koweïtienne, une péruvienne, une sud-coréenne et une turque. Pendant la période de l'échange, la Grèce sera placée en défaut partiel sur sa dette, une solution à laquelle l'UE et la BCE ont fini par se résigner lors du sommet de jeudi dans l'espoir de faire rebondir le pays surendetté en lui donnant du temps pour mener à bien ses réformes.

Règle d'or et langue de bois

Les déficits publics sont décidément dans l'eil du cyclone. L'épisode grec a commencé à faire réfléchir plus d'un gouvernant, se référant à la nouvelle bible des agences de notation… Nicolas Sarkozy ne fait pas autre chose en invitant les parlementaires de tous bords à instituer une « règle d'or » dans la Constitution, préconisant un retour progressif à l'équilibre des comptes publics. Une proposition que le Président, qui travaille son image d'homme responsable et de rassembleur, sait déjà rejetée. La gauche refuse d'être contrainte en cas de victoire en 2012 et accuse la majorité d'avoir gonflé la dette de 450 milliards en quatre ans (sur 1 650), critiquant niches d'impôts, bouclier fiscal, TVA pour les restaurateurs. La droite objecte crise, baisse des recettes fiscales, plan de relance, réforme des retraites… Au final, ce sujet crucial devient un énième dialogue de sourds ou de petites phrases, alors que chaque parti est conscient du problème et des risques encourus. Le gouvernement se garde d'évoquer le terme de rigueur mais réduit effectifs et budgets, les citoyens ne veulent pas entendre parler de coupes dans les services publics, ni payer plus d'impôts, pas plus que les entreprises. Une inertie collective accrue par une année électorale où nulle décision majeure et forcément impopulaire ne sera prise. Le temps pour les candidats de reporter la note à après-demain, même si elle est chaque jour un peu plus salée. Cette campagne est pourtant l'occasion idéale d'exposer les solutions concrètes de chacun. Car la prochaine présidence sera placée sous le joug de la dette plus que des incantations et des promesses.

L'identité humaine en question

« À la différence des mères porteuses, notait récemment Pierre Le Coz, du Comité national d'éthique, les neurosciences font peu débat, bien qu'elles emportent des conséquences beaucoup plus graves. » Parce qu'elles touchent plus directement encore la base même de l'identité humaine associée au système nerveux et au cerveau.

Les progrès spectaculaires de la biologie moléculaire et de l'imagerie médicale permettent de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau, la communication entre ses cellules et la répartition des fonctions selon ses régions. Les malades mentaux en attendent beaucoup ainsi que les victimes de dégénérescence nerveuse de type parkinson ou alzheimer. Et, grâce à des mini-caméras reliées à des électrodes implantées, des aveugles peuvent désormais reconnaître des lettres. Le développement des nanotechnologies devrait encore améliorer ces résultats.

Dans le même temps, les risques liés sont si considérables qu'une discipline nouvelle a vu le jour : la neuroéthique, confrontée au danger majeur de manipulation mentale. Ainsi, les implants cérébraux, qui améliorent la vie de 40 000 parkinsoniens, pourraient être utilisés à des fins de conditionnement des individus, par neuro-stimulation. L'imagerie cérébrale permet de suivre l'activité du cerveau et, puisqu'elle sert déjà de détecteur de mensonges, elle pourrait aussi être utilisée pour traquer « scientifiquement » les opinions déviantes. Ce n'est plus de la science-fiction !

Le cyborg, à la fois homme et machine, existe bel et bien et cela depuis l'invention du stimulateur cardiaque. Le symbole le plus spectaculaire est l'athlète sud-africain Oscar Pistorius, médaillé d'or au 200 mètres des paralympiques grâce à ses tibias en fibre de carbone. Conséquence : la frontière entre l'homme et la machine devenant plus incertaine, croît d'autant le risque d'emprise et de manipulation.

Tout ceci suscite d'immenses interrogations quant à notre identité. Quel est le propre de l'homme face à l'animal ou à la matière, fût-elle technique ? Que 98 % de nos gènes soient communs avec les chimpanzés en trouble plus d'un (1), et il est vrai que certains comportements pourraient faire douter de la différence ! Mais n'est-ce pas aussi la preuve que la génétique n'est pas tout, que notre nature transcende la seule biologie tout en étant conditionnée par elle. Quand le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux proclame que « l'homme n'a plus rien à faire de l'esprit » et qu'il lui « suffit d'être un homme neuronal », c'est-à-dire un assemblage de cellules et de connexions, c'est sur la base de l'idée qu'un jour on saura tout de lui et que tout sera expliqué. Car, dit-il, il n'y a pas d'inconnaissable. Il n'y a que de l'inconnu provisoire. C'est le credo du scientisme et de son effrayant projet de totale maîtrise.

À quoi l'on peut répliquer que 100 000 livres ne viendront jamais à bout de ce qui fait la particularité d'un seul d'entre nous. Et cela parce qu'il est au-delà de tout ce qui apparaît de lui. En excès, insaisissable, inépuisable. Que le cerveau soit une condition de notre vie psychique et morale n'autorise pas à dire qu'il en est l'origine, pas plus que le fusible du frigo n'est la cause du froid. La matière neuronale est le sous-sol sur lequel s'édifie l'existence bien loin de s'y réduire, pas plus qu'une cathédrale ne pourrait être ramenée, au motif qu'elle est faite de pierre, à un chapitre de minéralogie.

(1) J.-M. Schaeffer, La fin de l'exception humaine, Gallimard, 2007.