TOUT EST DIT

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lundi 21 novembre 2011

PAUVRE FRANCE !

Désarçonnée, Eva Joly remonte à cheval

On ne voit plus ses lunettes rouges, sa tête blonde. Où est donc passée Eva Joly ? Officiellement, elle a disparu de la circulation pour se ressourcer, avant de relancer une campagne qui ne décolle pas. Le silence de la candidate d'Europe-Ecologie, peut-être son spleen - a-t-elle songé à se retirer ? -, relève plus du malaise que de l'abstinence volontaire. L'ancienne magistrate doit accomplir son apprentissage. La présidentielle, ce n'est pas une sinécure. Elle doit composer avec les sensibilités qui traversent la famille, des pro-Duflot aux nostalgiques de Hulot, et avec Cécile Duflot, la patronne, qui monopolise l'espace médiatique. Elle doit surtout assurer le service après-vente d'un accord conclu dans la douleur avec le PS, qu'elle n'a pas négocié et qu'il lui sera difficile, sinon impossible, à assumer. Car il entérine des désaccords sur deux dossiers - Flamanville et l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes - sur lesquels elle s'est montrée intransigeante. Il occulte les thèmes fondateurs de l'écologie. Comment marquer sa différence, défendre des convictions environnementales quand le compromis exclut la sortie du nucléaire et vise à bâtir un pacte électoral ? On lui souhaite donc bien du plaisir pour (re)nouer le contact avec l'opinion, cette semaine. Bien du courage pour répliquer à ceux qui n'auront de cesse de rabaisser l'accord à un troc au service d'un groupe parlementaire et d'une présence gouvernementale. Les Verts ont fait le choix - il se défend - du réalisme : ils réclament leur part de pouvoir. Reste à Eva Joly le combat des valeurs. Pas sûr que ça constitue une rente électorale.

Papademos part à Bruxelles chercher des financements

Le nouveau Premier ministre grec va tenter de débloquer une nouvelle tranche d'aide sans laquelle son pays devra se mettre en situation de défaut en décembre.
Le nouveau Premier ministre grec Lucas Papademos doit s'envoler dimanche pour Bruxelles où il tentera de convaincre l'Union européenne et le Fonds monétaire international de débloquer une tranche d'aide de 8 milliards d'euros sans laquelle la Grèce devra se mettre en situation de défaut courant décembre.
La démarche ne sera pas aisée, puisque les conservateurs, qui soutiennent la coalition au pouvoir à Athènes, refusent les exigences posées par la troïka, qui regroupe l'Union européenne, le FMI et la Banque centrale européenne (BCE). Il n'est par exemple pas question pour la Nouvelle Démocratie, la formation conservatrice dirigée par Antonis Samaras, de promettre qu'elle mettra tout en oeuvre pour que les termes fixés dans le dernier accord sur l'aide à la Grèce soient respectés. Antonis Samaras a déclaré aux représentants de la troïka qu'ils devraient se contenter de la promesse que les conservateurs ne remettraient pas en question les réformes déjà décidées par Athènes. Cet économiste formé à Harvard juge préférable de privilégier des réformes susceptibles de soutenir la croissance plutôt qu'un nouveau cycle de mesures d'austérité.
À Bruxelles, les experts de la troïka devront également décider si Athènes mérite le nouveau plan de 130 milliards d'euros, qui doit remplacer un précédent plan de 110 milliards d'euros.

La France des réseaux et des copains

On connaissait un DSK brillant, compétent et séducteur. Le portrait était net. Suspicion d'agression sexuelle, certitude d'un rapport à la hussarde, le coup de tonnerre de la suite 2806 du Sofitel de New York avait voilé l'image. L'affaire du Carlton a fait tomber le cadre. L'image a explosé, façon cubisme. Dominique Strauss-Kahn est aujourd'hui méconnaissable.

L'enquête démontrera si le président du FMI gérait le sort du monde depuis un portable, et sa vie privée, plus compliquée encore, à partir d'un autre.

Journaux et magazines auscultent les rapports entre politique et sexe, puissance et séduction. Peut-on se faire élire, gouverner une nation et la représenter, asseoir une légitimité, mobiliser un pays, exiger des efforts, décider d'envoyer des hommes à la guerre, et partouzer ?

Cette question légitime a une tendance fâcheuse à prendre toute la place et à occulter un phénomène. Une couche de la société française fonctionne de façon tribale. C'est un ensemble de réseaux qui s'entrecroisent et se concurrencent. Une usine à gaz de l'influence. C'est une République de copains qui s'aident, se rassurent, se promeuvent et protègent les coquins.

Si les récits lus dans la presse sont avérés, l'affaire du Carlton montrera, après d'autres, que pour devenir puissant, ou riche, ou célèbre, ou tout à la fois, au lieu de miser sur le talent, la légitimité et le travail - ce qui est une rare conjonction -, on peut se contenter d'approcher un puissant, riche et célèbre. Et pour l'approcher, il est souhaitable et souvent suffisant d'être un ami d'un de ses amis.

Alors les portes s'ouvrent, les langues se délient, les contrats se signent, les affaires se font, les nominations tombent. Et parfois même pleuvent les distinctions, les palmes, les insignes et les rosettes.

Le fait n'est pas nouveau, ni purement national, mais il est très français. Et surtout, il inquiète dans une période de crise où la société se radicalise aux extrêmes et se dépolitise au milieu.

Ces réseaux clandestins se fixent comme des parasites sur des partis politiques, des associations, des entreprises, des sociétés à vocation philosophique, des administrations, des clubs service, se nourrissent de leur substance et les détournent de leur objet.

La montée en puissance de ces réseaux, leur efficacité croissante minent la démocratie et sont en même temps le résultat de son affaiblissement.

Quand les militants désertent les partis, les intrigants se déploient. Quand les organes de contrôle, parlementaire ou judiciaire, n'ont pas la volonté ou pas les moyens d'enquêter et de corriger, les circuits de décision sont déviés, les légitimités bafouées, les impostures autorisées. Et quand le copinage envahit ces instances mêmes, on frémit.

L'Europe d'après

La crise de la dette inquiète. Elle a changé la donne. Il y a désormais l'Europe d'avant. Il y aura l'Europe d'après. Celle d'avant a réussi l'union monétaire mais manqué l'union économique. Elle a marqué la fin du XXe siècle et raté le début du XXIe. Elle est désormais mise en cause, malmenée, objet de défiance parce qu'elle n'offre pas de vision claire pour l'avenir.

Les décisions prises par les chefs d'État et de gouvernement, le 27 octobre, sont importantes car elles organisent la réplique aux défis du moment. Elles ne sauraient suffire et leurs efforts ne doivent pas s'arrêter, comme le montrent les péripéties grecque et italienne.

L'Europe d'après ne peut plus se contenter de n'être qu'un grand marché. Elle doit retrouver ses objectifs premiers - au service de l'homme - et marquer clairement cet engagement dans un monde ultra-compétitif, où la finance l'a emporté sur l'économie réelle, l'argent sur le développement humain. C'est la condition pour que les peuples adhèrent aux efforts qui leur sont demandés.

Certes, une saine gestion des finances publiques s'impose désormais à tous. Nous ne saurions durablement dépenser plus que nos ressources et chacun va devoir se serrer la ceinture, du plus haut sommet de l'État jusque dans nos régions. Mais nous ne réussirons que si nous savons aller au-delà de l'austérité.

L'Europe doit donc se réformer pour être capable de décider vite de politiques économiques communes, destinées à retrouver une croissance et des emplois durables. C'est ainsi qu'elle défendra le mieux son modèle de société libre mais solidaire.

Elle n'échappera donc pas à une profonde évolution, voire une révolution de son mode de gouvernance. Elle doit franchir un seuil supplémentaire dans la mise en commun volontaire des compétences de nos États en matière fiscale et budgétaire et le faire démocratiquement, dans la transparence. Si tous les membres de l'Union ne sont pas d'accord pour cela, l'Europe de demain sera alors à « plusieurs vitesses ».

Chacun doit être libre d'aller plus vite et plus loin vers une intégration plus approfondie. Pour la France et l'Allemagne, c'est là une responsabilité historique. Les deux partenaires sont désormais comptables de l'avenir européen et ils doivent se rapprocher plus encore pour relancer le projet européen. La France doit convaincre son partenaire qu'elle est sérieuse et crédible quand elle prend des engagements financiers, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé ; l'Allemagne doit confirmer qu'elle souhaite poursuivre l'aventure européenne et qu'elle est prête pour cela à partager sa souveraineté.

En confirmant ces engagements, au besoin par un traité bilatéral ratifié par les deux parlements, nos pays relanceraient avec solennité le processus d'intégration sans lequel l'Union risque le délitement, voire le déclassement. Mais cette relance doit se faire sur de nouvelles bases, exigeant plus de solidarités mais aussi plus de discipline. France et Allemagne formeraient le noyau dur d'une Europe plus efficace qui valoriserait mieux ses atouts de première puissance économique de la planète, en restant ouvertes à ceux qui veulent les rejoindre. Car l'enjeu des débats européens, comme des réunions internationales du G 20, est bien de savoir si l'Europe saura s'unir davantage pour additionner ses forces ou s'effacer devant ceux qui ont déjà la taille d'un continent.

L’horreur et la dignité

J’ai une fille âgée de 14 ans et un garçon de 17. Comme tout parent d’adolescents, j’ai été doublement bouleversé par le meurtre d’Agnès. L’éditorialiste pourtant habitué à regarder les horreurs servies quotidiennement par l’actualité ne peut, cette fois, s’empêcher de s’identifier au père de la jeune victime du Chambon-sur-Lignon. Impossible de tenir ce fait divers-là à la distance nécessaire. Impossible de repousser ce cauchemar à l’extérieur de son imagination. Il est trop présent. L’idée de perdre un enfant, et dans de telles conditions, provoque une terreur absolue. Comment, alors, analyser rationnellement une situation qui agresse physiquement la raison ?

Comme des centaines de milliers de Français, j’ai essayé d’imaginer quelle pourrait être ma réaction si l’un de ces mauvais hasards de l’existence venait à m’imposer une telle horreur. Les principes de non-violence de toute une vie seraient probablement submergés par le désespoir et le sentiment d’injustice. Qui n’aurait envie de venger, de ses propres mains, la chair de sa chair ? Comment, a priori, avoir la moindre pitié pour l’auteur d’un acte aussi barbare ?

Les circonstances de la tragédie ont tout pour déchaîner la colère : comment admettre qu’un garçon ayant déjà violé une camarade puisse être placé dans un internat mixte ? Tous les ingrédients sont donc réunis pour condamner une justice qui serait laxiste jusqu’à l’inconscience et un certain nombre de responsables politiques ne s’en sont pas privés récupérant le drame sans état d’âme. Sans surprise, Marine Le Pen a exhumé le rétablissement — qu’elle sait impossible — de la peine de mort et le drame a pris une ampleur de polémique nationale qui atteindra Matignon.

L’émotion, pourtant, ne justifie rien. On ne répare pas un acte monstrueux par un acte monstrueux. On ne répond pas à la pulsion d’un crime abominable en libérant une pulsion de représailles aveugles qui emporte tout. Car le risque, désormais, c’est l’amalgame. Si le suivi des délinquants sexuels ne saurait être laissé aux aléas d’une réintégration forcément risquée, si le viol et la mort d’Agnès sont sans doute imputables à une faute d’appréciation manifeste (en attendant d’en savoir davantage sur le dossier), la tragédie ne saurait condamner en bloc le combat quotidien pour la réinsertion des mineurs délinquants, qui reste une idée juste : n’est-elle pas la dignité d’une société civilisée face à l’horreur ?

L'arbre, allié de taille

Donnez-moi un arbre et je sauverai le monde, nous dit le botaniste Francis Hallé, qui vient de publier Du bon usage des arbres. Un plaidoyer à l'attention des élus et des énarques (Actes Sud). Prenons-le au mot. Par quel arbre commencer ? Le platane que planta Buffon en 1785, à l'entrée du Jardin des plantes, à Paris. Les visiteurs peuvent constater sa grande forme 226 années après, alors qu'il n'a jamais été taillé.

Car le platane vit très longtemps, comme beaucoup d'arbres. Il est même "potentiellement immortel", précise Francis Hallé : "Un homme est sénescent, c'est-à-dire programmé pour mourir. Pas un platane." Après la chute des feuilles, la vie repart au printemps et l'arbre retrouve son génome juvénile. S'il n'était pas agressé par les accidents, les maladies ou les humains, le platane vivrait des siècles. "Quand on dit un platane centenaire, on parle d'un gamin en culotte courte", s'amuse le botaniste, qui connaît un olivier âgé de 2000 ans à Roquebrune-Cap-Martin (Côte d'Azur).
Ajoutons que l'arbre crée des colonies. Sexué, il distribue des graines alentour, mais il étend aussi des racines à partir desquelles des descendants poussent. Voilà pourquoi on trouve des platanes centenaires entourés de vieux frères, des peupliers se renouvelant depuis 10 000 ans dans l'Utah, des crésotiers (Larrea) de 13 000 ans dans le désert de Mojave (sud de la Californie), et un houx royal de 43 000 ans s'étalant sur un kilomètre, en Tasmanie. "L'histoire de notre espèce zoologique tient dans la vie d'un arbre. Cela devrait nous ramener à l'humilité", philosophe Francis Hallé. C'est sans doute le premier service que nous rend l'arbre.
L'autre prodige de l'arbre est de résoudre ses problèmes sans bouger. C'est un bon citoyen, décoratif, taiseux, économe, calme et courageux. Il se contente de peu - lumière, eau, oligoéléments - et déjoue ses ennemis sans bruit, en développant un arsenal chimique. Un if produit des molécules qui éloignent souris et insectes et, ce faisant, il fournit le taxol à l'homme, un anticancéreux efficace. Et chacun sait que le tilleul ou le bouleau, le noisetier ou le citronnier donnent des médicaments.
UN ÉPURATEUR D'ATMOSPHÈRE
Nous, humains, avec nos 2mètres carrés de peau, sous-estimons la surface de l'arbre. Pour la calculer, il faut mesurer chaque feuille recto verso, ajouter la surface du tronc, des branches et rameaux, des racines longues et fines et des poils absorbants, sans oublier les poches dans l'écorce. Un arbre feuillu de 15 mètres occupe au total 200 hectares, l'équivalent de Monaco. Il double de poids quand il est mouillé. Toute cette surface respire, nous fait respirer.
"Grâce à la photosynthèse, l'arbre est notre meilleur allié dans la lutte contre le réchauffement climatique ", estime Francis Hallé. Le platane de Buffon, comme tout arbre, absorbe quantité de dioxyde de carbone (CO2), responsable de l'effet de serre. 20 % à 50 % de la matière produite par l'arbre - bois, racines, feuillages, fruits... - est constituée de CO2. Ainsi, en respirant, l'arbre épure l'atmosphère. Il séquestre le dioxyde de carbone et les polluants urbains tels que les métaux lourds, le plomb, le manganèse, les suies industrielles, les oxydes d'azote et de soufre, l'ozone... Ceux-ci sont dissous par l'eau intérieure, puis stockés dans le bois. C'est pourquoi il faut couper les vieux arbres le moins possible. Plus ils sont grands, plus ils purifient l'air.
En même temps, l'arbre libère l'oxygène qui nous fait vivre, l'O2. Un humain adulte consomme environ 700 grammes d'O2 par jour, soit 255 kg par an. Pendant ce temps, un arbre moyen en produit 15 à 30 kg. Il faut donc une dizaine d'arbres pour oxygéner un homme. En plus, l'arbre humidifie et rafraîchit l'atmosphère par évaporation et transpiration. Une zone boisée de 50 m2 fait baisser la température de 3,5 °C et augmente le taux d'humidité de 50 %. L'agitation des feuillages, surtout des conifères, libère des ions négatifs qui auraient un effet bénéfique sur la santé et l'humeur. Et l'arbre accueille nombre d'espèces utiles.
Pascal Cribier, jardinier talentueux, habite au-dessus du jardin du Luxembourg, à Paris. Il désigne la cime rougeoyante des arbres : "Nous ne voyons que la moitié d'un arbre. Nous n'imaginons pas l'activité souterraine, la taille et la force de ses racines, les espèces qui vivent en symbiose avec lui. Nous oublions que, sans les arbres, le sol se dégrade vite, et pour toujours." C'est cette part secrète, souterraine, qui a décidé de la vocation de Pascal Cribier, à 18 ans. Il voulait comprendre, planter, mettre les mains dans la terre.
Devenu un artiste du jardin, il a exposé dans des galeries des blocs de racines noueuses. Il faut savoir que sous-bois, racines et sous-sols font vivre champignons, lichens, fougères, plantes épiphytes, insectes, vers et mammifères. Sous terre, les racines font circuler des tonnes d'eau pour abreuver les feuilles. Souvent, elles dépassent en longueur les branchages. Ainsi, le jujubier de Libye, haut de 2 mètres, possède des racines de 60 mètres.
"L'homme ne saurait vivre sans l'arbre, et il le menace partout, s'étonne Francis Hallé. Pourtant, la réciproque n'est pas vraie..." Les Nations unies ont déclaré 2011 Année internationale de la forêt. Les arbres abritent 50 % de la biodiversité terrestre et apportent la subsistance à 1,6 milliard d'humains.
Les enquêtes de l'ONU et du REDD - programme des Nations unies qui vise à réduire les émissions de CO2 causées par la déforestation et la dégradation des forêts - montrent que la moitié des forêts de la planète a été détruite au XXe siècle. Ainsi, 7,3 millions d'hectares de forêts tropicales ont disparu chaque année entre 2000 et 2005, soit 20 000 hectares par jour. Résultat, la déforestation et la dégradation des forêts tropicales contribuent pour 15 % à 20 % aux émissions de CO2 : brûlés, abattus, les arbres libèrent leur carbone.
A l'inverse, l'ONU estime que des plantations d'arbres pourraient compenser 15 % des émissions de carbone dans la première moitié du XXIe siècle. "J'ai plaqué mon chêne/Comme un saligaud", chantait Georges Brassens...
De l'aspirine au papier
Prenons un citadin qui déguste en terrasse une salade à l'huile d'olive et au citron avec des pignons, puis commande une omelette aux truffes et un verre de chablis. Au dessert, poire belle-Hélène accompagnée d'un café à la cannelle. En digestif, une goutte de vieux gin. Ensuite, après une aspirine, il prend quelques notes avec un stylo jetable sur un carnet. Cet homme vient de mettre quinze arbres à contribution. Un frêne pour sa chaise, un orme pour la table, un olivier, un pin parasol, un citronnier, un chêne pour la truffe, un robinier (faux acacia) pour le fût du vin blanc, un poirier et un cacaoyer, un caféier, un cannelier, un genévrier, un saule pour l'aspirine, du ricin pour le plastique, un pin sylvestre pour le papier. Nous ne saurions vivre sans les arbres.
La ville non plus. Octobre 2011 était le Mois international de l'arbre et de la forêt des villes. Ainsi en a décidé la FAO. Pourquoi protéger l'arbre citadin ? En 2030, 70 % de la population de la Terre vivra en ville. Il faudra la nourrir. Le monde rural n'y suffira pas. Déjà, l'agriculture urbaine et périurbaine existe dans les friches et bidonvilles. Les citadins pauvres plantent des arbres et des légumes pour se nourrir. Depuis des années, la FAO leur procure assistance et crédits.
En Europe, Bruxelles protège les 5 000 hectares de la forêt de Soignes, en pleine ville ; Zurich fait de même, Barcelone a classé sa forêt riveraine, Nantes prévoit de planter 1 400 hectares d'arbres à ses portes. Julien Custot, expert à la FAO, explique : "L'arbre urbain est fondamental pour préserver les sols, contenir les inondations, apporter de l'énergie, pourvoir des aliments sains. Il rend les villes plus agréables, plus fraîches. Il nous faut une vraie politique de foresterie urbaine." Le jardinier écologiste Gilles Clément ajoute : "L'urbanisme jouit d'un grand prestige dans un monde assujetti au principe économique "quand le bâtiment va, tout va". Un jardinier penserait plutôt : "Quand le jardin va, tout va". Il faut nourrir le monde avant même de le loger."
L'économiste indien Pavan Sukhdev, codirecteur de la Deutsche Bank de Bombay, est une des têtes chercheuses des TEEB, The Economics of Ecosystems and Biodiversity. C'est lui qui, en octobre 2010, a chiffré les services rendus par les écosystèmes à la conférence de Nagoya sur la biodiversité, dont la France vient de signer le protocole. Il calcule la valeur économique de la nature et ses dégradations. Après trois ans d'enquêtes menées par cent experts, "les gros chiffres impressionnent", affirme-t-il. Si nous divisions par deux le rythme de la déforestation d'ici à 2030, les réductions d'émission de CO2 allégeraient de 2 600 milliards d'euros le coût du réchauffement. L'érosion de tous les écosystèmes terrestres - forêts, sols ou encore zones maritimes - nous fait perdre entre 1 350 et 3 100 milliards d'euros chaque année. "Cette invisibilité économique des écosystèmes, explique Pavan Sukhdev, a mené à la crise écologique."
En jardinier, Pascal Cribier s'inquiète de ces chiffres : "Un arbre est inestimable, ce qu'il nous apporte n'a pas de prix..."

Crise de la dette souveraine : Bruxelles s'apprête à se prononcer en faveur d'euro-obligations

La Commission européenne étudie trois scénarios pour la mise en commun de la dette des pays de la zone euro.

Le lancement "d'eurobonds", ou euro-obligations - une mesure à laquelle l'Allemagne est fermement opposée - pourrait "rapidement atténuer la crise de la dette souveraine actuelle", et "renforcer la résistance" de la zone euro à de futures crises, juge la Commission européenne dans un document qu'elle doit publier la semaine prochaine. Dans ce "Livre vert" cité samedi par le quotidien italien La Stampa, l'exécutif européen étudie la faisabilité de trois options, dont l'une - la moins ambitieuse des trois - ne nécessiterait pas de changement des traités européens et "pourrait être mise en oeuvre rapidement". Qu'elle soit totale ou partielle selon les options, cette mise en commun de la dette des pays de la zone euro "ne doit pas conduire à une réduction de la discipline budgétaire", afin d'éviter que des "pays-cigale" ne se financent sur le dos des pays plus vertueux adeptes de la rigueur budgétaire, prévient tout de même le texte.
La première option est la plus radicale, mais aussi "la plus efficace" selon le texte : les euro-obligations se substitueraient aux obligations actuellement émises par les différents États membres de la zone euro et elles bénéficieraient de garanties communes. Une deuxième option serait de créer des euro-obligations bénéficiant également de garanties communes, mais qui ne couvriraient qu'une partie des besoins de refinancement des États de la zone euro, ces derniers continuant à émettre des obligations nationales. Moins ambitieuse, elle laisserait "les États aujourd'hui lourdement endettés vulnérables" à un éventuel défaut de paiement, relève la Commission.
Dans ces deux cas, cette mise en commun de la dette nécessiterait un changement du traité de Lisbonne, dont l'article 125 stipule la "clause de non-renflouement" selon laquelle les États doivent assumer seuls leurs engagements financiers. La troisième option consiste à créer des euro-obligations qui, là aussi, ne se substitueraient que partiellement aux obligations nationales, et pour lesquelles chaque État serait cette fois tenu d'apporter des garanties à hauteur de sa part respective d'euro-obligations émises. Les États sujets à des taux de crédit élevés "bénéficieraient nettement moins", dans ce scénario, des conditions plus favorables des États les mieux notés, admet la Commission. Toutefois, elle ne nécessiterait pas de changement de traité et sa mise en place potentiellement rapide "pourrait, contrairement aux deux autres approches, peut-être aider à faire face à la crise actuelle", juge le texte.