TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 12 décembre 2011

Européens, admettez que nous avons raison !

Si Londres se retrouve marginalisée au lendemain du Conseil européen, c'est parce que ses partenaires continentaux sont furieux qu'elle n'ait jamais souscrit à l’euro, qui montre aujourd’hui ses limites, assure le maire de Londres Boris Johnson. 
Je sais que certaines personnes sont perturbées à l’idée que tous ces puissants Européens soient très, très fâchés. Angela Merkel a déclaré que nous n’avions même pas négocié comme il faut. C’est tout juste si Nicolas Sarkozy peut encore prononcer le nom de notre pays, et il aurait été filmé en train de refuser de serrer la main de David Cameron. Partout sur le continent, les journaux débordent de gros titres courroucés sur l’arrogance et la bêtise générale des Englanders/Anglais/Inglesi. J’ai vu de malheureux députés européens Lib-Dem sur le point d’exploser d’écœurement à cause du comportement de Londres lors du dernier sommet en date.
Et il se trouve sans doute beaucoup de gens dans ce pays que la virulence des critiques doit effrayer un brin. Depuis quelques jours, la BBC nous affirme d’un ton lugubre que nous sommes "isolés", "marginalisés" – comme si l’Europe avait décidé de nous abandonner sur notre île embrumée comme une bande de sauvages peinturlurés.
J’espère donc rassurer tout le monde en soulignant que nos amis et partenaires européens ne nous en veulent pas vraiment à propos de ce sommet. Tout le monde réagit comme si le recours de David Cameron au veto constituait un tournant historique – comme si quelque Excalibur nationale avait enfin été retirée de son rocher, ou comme si l’on venait enfin de lancer un missile Trident depuis son antre marin.

Cameron n'est pas le premier à claquer la porte

La réalité, c’est qu’il n’est pas le premier de nos dirigeants à avoir bloqué quelque chose qui n’était pas dans l’intérêt de notre pays – de Thatcher sur le budget de l’UE à Tony Blair sur le prélèvement à la source. Et beaucoup d’autres premiers ministres se sont montrés nettement plus rétifs que les Britanniques – on pense à l’Espagnol Felipe González, qui avait coutume de paralyser les sommets de l’UE jusqu’à ce qu’il ait le sentiment d’avoir mis la main sur assez de cabillauds et de haddocks irlandais.
Non, ils ne sont pas vraiment en colère parce que nous nous sommes opposés au nouveau traité sur la mise en place d’une union fiscale. Si nos frères et sœurs européens sont si chroniquement furieux contre les Britanniques, c’est parce que le temps a montré que nous avions absolument raison au sujet de l’euro.
Depuis plus de vingt ans, les ministres britanniques se rendent à Bruxelles pour répéter à quel point ils adorent toute cette histoire de marché unique, mais qu’ils ne sont pas sûrs qu’il soit très sage de vouloir se doter d’une union monétaire. Et depuis plus de vingt ans, certains d’entre nous rappellent qu’une union monétaire ne peut pas marcher sans union politique – et que cette dernière n’est pas envisageable sur le plan démocratique.
Nous vous avions prévenus qu’il vous faudrait une sorte de gouvernement central européen pour contrôler les budgets nationaux et la fiscalité, et que les peuples d’Europe ne l’accepteraient pas. Allons, voyons. Ce ne sont pas les banquiers anglo-saxons qui ont causé les problèmes de la zone, Sarkozy mon ami*.

Les critères de Maastricht ne sont plus respectés

C’est l’incapacité totale des pays de la zone euro – à commencer par la France, soit dit en passant  – à respecter les critères de Maastricht. C’est le refus des Grecs de juguler leurs dépenses ou de réformer leur système de sécurité sociale. En Grèce et en Italie, les dirigeants démocratiques ont été littéralement débarqués dans l’espoir d’apaiser les marchés et de sauver l’euro. Et ce qui exaspère encore plus les responsables de la zone euro, c’est qu’apparemment, ça ne marche pas.
Ils reprochent à David Cameron d’avoir opposé son "veto" à un nouveau traité de l’UE, alors qu’en réalité, il n’a rien fait de tel. Les autres pays de l’UE peuvent tout à fait aller de l’avant et mettre en place leurs propres nouvelles réglementations fiscales. S’ils le veulent, ils peuvent décider de créer un gouvernement économique européen. Ils peuvent décréter que le moment est venu – même si leurs électorats ont déjà le sentiment d’être exclus du processus politique – de confier les décisions stratégiques sur la fiscalité et le budget à des bureaucrates non élus.
Ce qui, selon moi, serait une chose extrêmement dangereuse, puisque les peuples régis par cette union fiscale et supranationale ne tarderaient pas à s’apercevoir qu’ils ne pourraient plus se débarrasser de leur gouvernement. Et je doute fort que cela fonctionne, puisque les gouvernements nationaux ne sont pas plus tenus de respecter un train de nouvelles règles "contraignantes" qu’ils ne l’ont fait des critères "contraignants" de Maastricht – à moins qu’il n’existe quelque projet secret prévoyant de les imposer par la force à l’aide d’une Euro-armée.
Mais même si ce traité n'a guère de chances de réussir, David Cameron n'a aucune raison d'engager notre pays dans un projet voué à la faillite intellectuelle, morale et démocratique. Il a eu raison de dire que la Grande-Bretagne ne participerait pas. Et si les autres sont furieux contre Londres, c'est parce que cette querelle leur permet d'occulter le véritable échec du sommet : son incapacité à proposer une solution aux problèmes de l'euro.

Proposer une vision positive de l'Europe

Reste à espérer désormais que tout le monde se calme et se penche sur ce que les citoyens européens attendent véritablement de leurs institutions. L'euro sera peut-être sauvé, ou peut-être pas – il est en tout cas peu probable qu'il existe encore sous sa forme actuelle dans un an, et le mieux serait qu'on permette aux Grecs (et éventuellement à d'autres) d'en sortir de façon ordonnée et de mettre ainsi un terme à leurs souffrances.
L'Union européenne aurait par ailleurs une myriade d'autres choses à faire pour ses peuples en difficulté. En janvier, le "marché unique" fêtera son vingtième anniversaire, or toutes sortes de barrières non douanières subsistent encore. Nous planchons sur la création d'un gouvernement économique européen, or nous n'avons toujours pas adopté la directive Services [dite aussi “directive Bolkestein”], qui permettrait à tous, de l'opticien à l'agent immobilier en passant par le courtier en assurances, de s'établir plus facilement dans d'autres juridictions européennes. Nous disons aux Grecs que c'est Bruxelles qui, de facto, doit diriger leur économie, or nous n'arrivons même pas à nous mettre d'accord sur un modèle européen unique de prise électrique.
Tout le monde redoute aujourd'hui que d'autres pays européens ne "sanctionnent" la Grande-Bretagne, par exemple avec de nouvelles directives sur les services financiers conçues pour faire du tort à la City de Londres. Or, ce problème – à supposer que c'en soit bien un – n'a en rien été aggravé par le sommet de la semaine dernière. Et à supposer que nous ayons besoin d'affirmer notre attachement à l'Europe, le moment est venu de proposer une vision positive d'une Europe qui soutienne réellement ses hommes et ses entreprises. La prochaine fois que tous ces chefs d'Etat se retrouveront pour un sommet, enfermons-les à double tour jusqu'à ce qu'ils aient approuvé la directive Services et se soient mis d'accord sur une prise électrique commune.
* En français dans le texte.

Qui soutient encore le candidat Villepin ?

"Dominique de Villepin est un homme seul, sans moyens financiers, sans mouvement politique...", a affirmé, dimanche 11 décembre, Nadine Morano, ministre de l'apprentissage et responsable des élections à l'UMP, pour encourager l'ex-premier ministre à renoncer à sa candidature à la présidentielle, annoncée le soir même.
L'ancien secrétaire général de l'Elysée n'est pas complètement seul comme le dit Mme Morano mais depuis septembre 2010, l'ancien secrétaire général de l'Elysée a été abandonné au fil des mois par presque tous ses soutiens parlementaires, dont certains ont rejoint Nicolas Sarkozy.
Aujourd'hui, M. Villepin se lance dans la course à l'Elysée avec une poignée de soutiens. Parmi ces irréductibles figurent des anciens ministres, tels Brigitte Girardin, qui est aussi secrétaire générale du parti de Dominique de Villepin, République solidaire (RS) ; François Goulard, député et président du conseil général du Morbihan et Azouz Begag, ancien ministre à la promotion de l'égalité des chances (2005-2007) dans le gouvernement Villepin.
L'ancien ministre des affaires étrangères peut également compter sur quelques députés, comme Marc Bernier, député de la Mayenne ; Guy Geoffroy, député de Seine-et-Marne ; Jean Ueberschlag, député du Haut-Rhin ; et le fidèle des fidèles, Jean-Pierre Grand, député de l'Hérault et président de République solidaire depuis que Dominique de Villepin a quitté la présidence du mouvement – fondé en juin 2010 – en septembre 2011. Le responsable Web de la campagne est Christophe Carignano, qui s'occupe du réseau social "Villepincom.net".

DE 2008 À AUJOURD'HUI, L'HÉMORRAGIE S'EST POURSUIVIE
Dominique de Villepin a perdu petit à petit ses principaux soutiens. Le premier départ a eu lieu fin 2008, quand son ex-directeur de cabinet, Bruno Le Maire, est entré au gouvernement. Autre poids lourd de son dispositif, Georges Tron, l'a également lâché en mars 2010 pour devenir secrétaire d'Etat à la fonction publique. L'hémorragie s'est poursuivie inlassablement... Trois mois plus tard, le député  Hervé Mariton prend ses distances et annonce qu'il ne suivra pas son mentor dans la constitution de son futur parti le 19 juin.
A l'époque, l'Elysée, tente d'"assécher les relais parlementaires" de Dominique de Villepin, qui se prépare à lance son mouvement République solidaire (RS). Ironie du sort : la députée villepiniste Marie-Anne Montchamp, toujours fidèle en juin 2010, "constate une très nette préoccupation de l'Elysée" pour la création du mouvement, "observé à la loupe".
Le mois suivant, les députés villepinistes veulent s'affranchir de la tutelle de l'UMP et tentent de créer un groupe autonome à l'Assemblée pour "peser encore plus", explique alors Mme Montchamp. Mais patatras ! Quatre mois plus tard, celle qui est devenue porte-parole et cheville ouvrière du mouvement de Dominique de Villepin le quitte à la surprise générale pour succomber à son tour aux sirènes sarkozystes. Déjà secrétaire d'Etat au handicap sous Jacques Chirac, elle entre en novembre 2010 dans le gouvernement de François Fillon, héritant d'un poste tout sauf prestigieux : secrétaire d'Etat aux solidarités.
Malgré la défection de ses soutiens, Dominique de Villepin entreprend "un combat au risque de la solitude", ne renouvelant pas son adhésion à l'UMP début 2011. Il présente en avril des propositions tièdement accueillies, dont un "revenu citoyen" de 850 euros mensuels pour un coût d'environ 30 milliards d'euros.
Daniel Garrigue, nouveau porte-parole de République solidaire depuis le départ de Mme Montchamp, démissionne à son tour de ses fonctions et du mouvement, en regrettant un manque de concertation sur le projet de Dominique de Villepin pour 2012, dont il conteste la mesure phare, "un revenu citoyen".
Les départs se poursuivent... Le 14 septembre, le jour même de la relaxe de M. Villepin dans l'affaire Clearstream, au tour du député du Finistère Jacques Le Guen de démissionner du bureau politique du parti fondé par l'ancien premier ministre. Alors que tous ses alliés de poids sont au gouvernement ou en dehors du parti, sa dernière porte-parole, Chantal Bockel, quitte République solidaire, cet été.
"DANS LES JOURS QUI VIENNENT, ON VERRA QU'IL N'EST PAS SEUL"
Sans relais politiques et donc sans assurance d'obtenir les 500 parrainages présidentiels, sans assise financière, crédité de 1 % dans les derniers sondages, Dominique de Villepin lance donc sa candidature sous des auspices incertains. Mais à République solidaire, on balaie d'un revers de la main les attaques de l'UMP sur la "solitude" de l'ancien premier ministre. "Cet affolement traduit une grande peur de la candidature de Dominique de Villepin", veut croire Christophe Carignano, interrogé par Le Monde.fr.
"Dans les jours qui viennent, on verra qu'il n'est pas seul. Il aura de nouveaux élus autour de lui car pas mal de gens vont le rejoindre", promet-on à République solidaire, sans donner de nom. "Il est au-dessus des partis et ce ne sont pas les députés qui font les élections", renchérit Marc Bernier, joint par Le Monde.fr. "Un grand nombre d'anciens parlementaires RPR tendance gaulliste nous ont contactés. L'annonce de sa candidature a changé la donne et certains sont tentés de nous rejoindre", assure-t-il, sans livrer – non plus – l'identité de ces élus.

"UNE CAMPAGNE NE SE FAIT PLUS AVEC QUELQUES NOMS CONNUS"
Interrogé par Le Monde.fr, République solidaire revendique "environ 35 000 adhérents jusqu'à dimanche soir". "Depuis l'annonce de sa candidature, le compteur s'affole et les nouveaux adhérents arrivent par centaine", assure-t-on. Christophe Carignano en dénombre, de son côté, "plus de 30 000 sur le réseau social". Quant à Marc Bernier, il en compte "environ 20 000". Impossible de vérifier ces chiffres...
"Il y a quinze jours, nous avons constaté un petit 'faiblissement' quand tout le monde pensait qu'il allait rejoindre Nicolas Sarkozy. Mais depuis dimanche soir, la dynamique est reparti", selon M. Bernier. Le député, qui se lance dans la course aux parrainages avec Jean-Pierre Grand, se dit "confiant" dans cette course aux 500 signatures. "Les sondages peuvent s'inverser très vite. Le potentiel de Villepin est énorme : il peut à la fois prendre des voix chez Bayrou, Hollande et Sarkozy."
Pour Christophe Carignano, l'ancien premier ministre bénéficie d'"un atout de taille" : il dispose "d'une armée de militants très actifs sur le Web". Persuadé qu'"une campagne ne se fait plus avec une liste de députés et quelques noms connus", "le M. Web" de Dominique de Villepin estime qu'il est "plus important de pouvoir compter sur des milliers de militants"
 
ENTRE LUI ET SIMPLET 1er (Bayrou), JE NE VOIS ICI QUE DES CANDIDATURES CYNIQUES, EMPREINTES DE HAINE OU DE RESSENTIMENT A L'ÉGARD DE NICOLAS SARKOZY.

L'échec de "Merkozy"

L'accord du lundi 5 décembre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, que ceux-ci ont réussi à imposer à leurs "partenaires" européens au sommet des 8 et 9 décembre à Bruxelles est-il une solution audacieuse aux dilemmes du continent, ou une insipide bouillie ?
Deux têtes, dit-on, valent mieux qu'une. On ne peut pas dire que le couple formé par la chancelière allemande et le président français ait confirmé l'adage. Comme les Bourbon, ces dirigeants donnent plutôt l'impression de n'avoir rien appris ni rien oublié.


Il a été décidé, semble-t-il, de ne pas contraindre les détenteurs d'obligations privés à essuyer des pertes lors des sauvetages de pays de la zone euro, même si l'on n'écarte pas la possibilité de restructurations volontaires. De rendre plus probables, mais pas automatiques, les sanctions à l'égard de pays qui échoueraient à respecter les limites imparties aux déficits budgétaires. D'inscrire dans la législation des pays membres l'obligation d'un budget équilibré. De mettre en place le Mécanisme européen de stabilité (MES) - l'instrument permanent de sauvetage - dès juillet 2012 et non plus en juin 2013. Et enfin, de prévoir pendant la durée de la crise, des réunions mensuelles des chefs d'Etat et de gouvernement européens afin de superviser la coordination des différentes politiques.
PLUS QUESTION DE SANCTIONS AUTOMATIQUES
Plus question, donc, de contraindre le secteur privé à s'impliquer dans la restructuration de la dette, ce qui réjouira la Banque centrale européenne (BCE). Plus question de sanctions automatiques contre les "pécheurs" budgétaires ni d'examen des violations des règles budgétaires par la Cour européenne de justice.
Cela ravira la France, qui a aussi obtenu qu'au lieu d'un nouveau traité de l'Union européenne un accord intergouvernemental entre membres de la zone euro puisse éventuellement être conclu. L'Allemagne n'est pas repartie les mains tout à fait vides : elle a réussi une fois de plus à écarter tout recours aux eurobonds. Mais elle n'a pas obtenu grand-chose.
Cet accord est-il de nature à encourager la BCE à intervenir plus massivement sur les marchés de la dette souveraine ? Son nouveau président, Mario Draghi, a déclaré le 1er décembre devant le Parlement européen qu'un accord liant les gouvernements sur la question des finances publiques serait "l'élément le plus important pour commencer à rétablir la confiance" des marchés financiers. "D'autres éléments pourraient suivre, a-t-il ajouté, mais l'ordre d'application est important."
Les mesures budgétaires et les réformes annoncées à Rome pourraient contribuer à donner à la BCE le feu vert pour ces "autres éléments".
UN CERTAIN ESPOIR
La réponse des marchés avait, dans un premier temps, traduit un certain espoir : le 5 décembre, les obligations espagnoles à dix ans étaient descendues à 5,2 % et celles de l'Italie à 6,3 %. Mais l'agence de notation financière Standard & Poor's a décidé de placer toute la zone euro sous surveillance négative, et au matin du 9 décembre restaient attentistes.
La fragilité est toujours le mot d'ordre.
Ce que nous avons entendu de la bouche de M. Sarkozy et de Mme Merkel n'incite guère à la confiance. Le problème est que l'Allemagne - puissance hégémonique de la zone euro - a un projet, mais que ce projet est maladroit.
La bonne nouvelle, c'est que l'opposition d'une partie de la zone euro empêchera sa pleine mise en oeuvre. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il ne semble y avoir pour l'instant aucune meilleure possibilité.
Le credo allemand est que c'est l'indiscipline budgétaire qui a été à l'origine de la crise. Mais l'examen des déficits budgétaires moyens de douze pays significatifs de la zone euro de 1999 à 2007 indique que tous, sauf la Grèce, se situaient en dessous de la fameuse limite des 3 % du PIB. De plus, les quatre pires bilans en la matière après la Grèce étaient l'Italie, puis la France, l'Allemagne et l'Autriche.
En revanche, l'Irlande, l'Estonie, l'Espagne et la Belgique ont enregistré de bonnes performances au cours de ces années. Ce n'est qu'après la crise que des détériorations énormes (et inattendues) des positions budgétaires ont frappé l'Irlande, le Portugal et l'Espagne (mais pas l'Italie). Les déficits budgétaires ne laissaient donc en rien prévoir une crise imminente.
Passons maintenant à la dette publique. Ce critère aurait désigné comme fauteurs de troubles la Grèce, l'Italie, la Belgique et le Portugal. Mais la position de l'Estonie, de l'Irlande et de l'Espagne était infiniment meilleure... que celle de l'Allemagne. En vérité, au vu de ses performances, l'Allemagne d'avant la crise paraissait bien vulnérable. Mais, là encore, la situation a rapidement changé avec la crise. Le cas de l'Irlande est stupéfiant : en cinq années, elle a enregistré un bond de 93 points de pourcentage du ratio dette publique nette sur produit intérieur brut.
Prenons enfin la moyenne des déficits des comptes courants sur la période. D'après ce marqueur, les pays les plus vulnérables étaient l'Estonie, le Portugal, la Grèce, l'Espagne, l'Irlande et l'Italie. Voilà enfin un indicateur pertinent !
CRISE DES BALANCES DES PAIEMENTS
La crise actuelle est donc une crise des balances des paiements. En 2008, le financement privé des déséquilibres extérieurs a connu un arrêt brutal : le crédit privé s'est tari. Depuis lors, les sources publiques ont été appelées à jouer le rôle de financiers.
Si le pays le plus puissant de la zone euro refuse de reconnaître la nature de la crise, la zone euro n'a aucune chance de la résoudre ni d'empêcher qu'elle se reproduise. Certes, la BCE peut replâtrer provisoirement les fissures. A court terme, son intervention est même indispensable, puisqu'il faudra du temps pour procéder aux ajustements extérieurs. Mais au bout du compte, l'ajustement extérieur est vital. Et il est beaucoup plus important que l'austérité budgétaire.
Une fois cela admis, le problème central sera l'amélioration de la compétitivité. Si l'on écarte l'hypothèse que certains pays puissent sortir de la zone euro, cela exige que celle-ci connaisse une économie dynamique, une inflation plus forte et une expansion vigoureuse du crédit dans les pays excédentaires. Tout cela paraît inconcevable aujourd'hui. C'est pourquoi les marchés ont raison de manifester une telle prudence.
En l'absence d'intégration budgétaire et financière, le refus d'admettre qu'une union monétaire est vulnérable à des crises des balances des paiements rend quasiment certaine une nouvelle crise. Pire, se focaliser sur l'austérité budgétaire est la garantie que, comme nous le constatons aujourd'hui, la réponse aux crises sera procyclique.
Peut-être que la bouillie concoctée à Paris permettra à la BCE d'agir. Peut-être qu'elle apportera une période de répit, quoique j'en doute. Il reste que la zone euro cherche toujours des remèdes efficaces à long terme. Il est satisfaisant de constater que l'Allemagne n'ait pas réussi à obtenir des mesures de discipline budgétaire plus dures et plus automatiques, car cette exigence est fondée sur une analyse erronée.
Cette crise est une crise des balances des paiements. Résoudre ce genre de crise dans le cadre d'une économie fermée de grande taille exige d'énormes ajustements de part et d'autre. Tout le reste n'est que commentaire (cette chronique est publiée en partenariat exclusif avec le "Financial Times". © "FT". Traduit de l'anglais par Gilles Berton).

M. Sarkozy : "Le sommet de Bruxelles crée les conditions de la sortie de crise"

Face à la tourmente dans laquelle est prise la zone euro, les dix-sept Etats de cette zone ont décidé, vendredi 9 décembre, à Bruxelles, de rédiger un traité intergouvernemental, dont le Royaume-Uni s'est exclu.

Dans un entretien au Monde, Nicolas Sarkozy livre son interprétation de cet accord et sa vision de l'avenir de l'Europe.
Jeudi 8 décembre, au congrès du Parti populaire européen, vous avez dit que jamais le risque d'explosion de l'Europe n'avait été aussi élevé. Après le sommet de Bruxelles de jeudi et vendredi, ce risque est-il écarté ?
J'aimerais pouvoir dire qu'il est totalement écarté. Je m'en garderai pourtant. Nous avons fait tout ce qu'il était possible de faire. Dans un monde parfait, théorique, on devrait faire plus, mais la caractéristique de l'homme de gouvernement, de l'homme d'Etat, c'est de faire avec les réalités. Cela étant, ce sommet marque une étape décisive vers l'intégration européenne. A ce titre, il crée les conditions du rebond et de la sortie de crise.
L'euro est le cœur de l'Europe. S'il explose, l'Europe n'y résistera pas. La crise de confiance et de crédibilité de l'euro faisait donc peser un risque sur la pérennité de l'Union européenne.
La vérité est qu'il nous a fallu réparer en pleine crise les insuffisances de l'euro au moment de sa création. Ainsi, rien n'avait été prévu quant à la convergence des politiques économiques des pays membres de l'euro. Ensuite, certains pays ont été accueillis au sein de la zone alors qu'ils n'y étaient pas préparés. Cela a eu pour conséquence de fragiliser tout le système, comme une pilule empoisonnée, en raison de l'interdépendance des réseaux bancaires et financiers. Ces pays ont dû imposer à leurs peuples des souffrances auxquelles ils ne s'attendaient pas.
Si vous voulez bien considérer que le tout s'est déroulé sur le fond d'une crise de la dette sans précédent dans l'histoire du monde, je n'ai nullement cherché à dramatiser lorsque j'ai dit que nous étions tous au bord du précipice.
  • LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE
L'accord de Bruxelles répond-il à ces éléments de la crise ?
Il y répond d'abord par la création d'une authentique gouvernance économique. Si les économies de la zone ne convergent pas, elles ne peuvent pas conserver durablement la même monnaie. Le fait que la responsabilité de la gouvernance revienne désormais aux chefs d'Etat et de gouvernement marque un progrès démocratique incontestable par rapport à la situation précédente, où tout s'organisait autour de la Banque centrale européenne [BCE], de la Commission et du pacte de stabilité.
J'ajoute que, pour la Commission, les choses seront désormais plus claires. Elle est chargée du respect des traités et de l'application des sanctions. Or, celui qui sanctionne ne peut être celui qui administre, au risque de se sanctionner lui-même. De ce point de vue, elle est irremplaçable. Qui d'autre pourrait le faire à sa place ?
La Cour de justice européenne, comme le voulait la chancelière allemande, Angela Merkel ?
Mme Merkel a convenu que la Cour ne pouvait pas sanctionner au jour le jour un déficit excessif, qu'elle ne pouvait pas prévenir le dérapage des économies et des budgets. Elle n'en a pas les compétences, mais j'ajoute, de surcroît, qu'elle n'a pas non plus la légitimité pour annuler un budget qui aurait été voté par un Parlement souverain. Enfin pour résoudre les problèmes de l'euro, la seule discipline budgétaire est insuffisante. J'ai toujours contesté l'idée que la gouvernance économique se cantonne aux seules réunions des ministres du budget. La compétitivité ne peut pas se réduire aux seules questions fiscales et financières.
La question posée est celle de la compétitivité de notre continent et des conditions d'une croissance qui doit absolument être plus soutenue. Nous devrons donc évoquer avec nos partenaires de la zone euro les questions cruciales de l'industrie, de la politique commerciale, du marché du travail, de la recherche…
Et, réciproquement, ils vous parleront de la fiscalité, de la fonction publique et des retraites en France ?
Bien sûr. L'Union se fonde sur des compromis réciproques, construits dans l'intérêt de chacun.
Est-ce un transfert de souveraineté ?
Non, car on ne déléguera pas à d'autres notre souveraineté économique. Il s'agira d'un exercice partagé de la souveraineté par des gouvernements démocratiquement élus. On conforte sa souveraineté et son indépendance en l'exerçant avec ses amis, ses alliés, ses partenaires.
J'ajoute que pas un seul domaine nouveau de compétences ne sera transféré à une quelconque autorité supranationale.
  • UN FONDS MONÉTAIRE EUROPÉEN
Le deuxième élément, c'est le renforcement de la solidarité européenne, avec la création d'un véritable fonds monétaire européen, le Mécanisme européen de solidarité [MES]. C'est un fonds destiné à venir en aide aux pays membres de la zone euro qui n'auraient pas un accès suffisant au marché pour financer leurs dettes. Ce fonds sera mis en place dès juillet 2012 et non en juillet 2013. Il décidera non plus à l'unanimité, mais à la majorité qualifiée de 85 %. Cela évitera qu'une petite minorité puisse bloquer les autres s'ils souhaitaient aller de l'avant.
Ce fonds aura 80 milliards d'euros de capital, ce qui représente un potentiel de 500 milliards de prêts. Au mois de mars, nous examinerons si ces moyens sont suffisants. Et, d'ici à dix jours, nous nous sommes engagés à négocier avec nos partenaires non européens un renforcement des ressources du Fonds monétaire international, ce qui augmentera encore notre force de frappe en cas de crise. La zone euro est prête à apporter jusqu'à 200 milliards supplémentaires. Jamais nous n'avons été aussi ambitieux en termes de solidarité.
Enfin, c'est la BCE qui sera l'agent opérationnel du fonds européen, dont la crédibilité et l'efficacité seront ainsi accrues. La méfiance ne pourra pas s'installer entre ces deux institutions-clés pour notre stabilité financière.
La BCE va baisser ses taux à 1 % sur trois ans pour que les banques retrouvent des marges et achètent des dettes d'Etat. Est-ce moral, alors qu'il serait plus simple que la BCE prête directement aux Etats ?
Je ne commente pas l'action de la BCE. Elle est indépendante, et doit agir dans le cadre des traités.
Mais le problème, aujourd'hui, dans de nombreux pays de la zone, c'est le resserrement du crédit par crainte du risque. Cela pourrait conduire à une dépression économique. Cette perspective serait catastrophique. Je me réjouis que la BCE fournisse des liquidités pour éviter ce "credit crunch". Pensez à ces milliers d'entreprises dont l'activité serait dramatiquement entravée si elles n'avaient pas accès à un crédit suffisant.
Je souhaite que l'action de la BCE, en soutenant la croissance économique, contribue aussi à apaiser les craintes infondées sur les dettes des Etats. Je fais confiance à la BCE pour, à l'avenir, décider de la force de son intervention.
Si cela ne marche pas, envisagez-vous de faire un grand emprunt auprès des particuliers, comme la Belgique et l'Italie ?
La Belgique a ainsi levé 5,5 milliards d'euros. La dette française est de 1 692 milliards d'euros. Chaque année, nous empruntons environ 180 milliards. Vous voyez que les ordres de grandeur n'ont rien à voir avec ce que pourrait rapporter un emprunt national.
Je vous rappelle, par ailleurs, que nous n'avons plus le droit de donner un avantage fiscal aux émissions d'emprunts d'Etat, tous ceux qui ont été octroyés dans le passé ayant coûté fort cher aux finances publiques. Enfin, il faut rappeler que, en dépit de la crise, la France emprunte aujourd'hui sur les marchés à un taux historiquement bas. Pourquoi donc faudrait-il changer notre stratégie ?
  • UN EFFORT DE DISCIPLINE
Le troisième élément de l'accord, c'est un effort de discipline, avec une majorité inversée pour les sanctions automatiques. Avant, pour que la Commission sanctionne un Etat fautif, il fallait une majorité qualifiée au Conseil pour l'approuver. Désormais, cela ne sera plus le cas.
En revanche, nous n'avons pas souhaité que ces sanctions s'appliquent de la même manière, c'est-à-dire qu'elles soient automatiques, en cas de dérapage de la dette une année donnée. Un Etat peut être amené à recapitaliser une banque, ou une entreprise publique, ce qui augmentera sa dette publique. On ne peut lui en tenir rigueur. Ainsi les mêmes causes ne pourront plus produire les mêmes effets. Le laxisme ne sera plus de mise en Europe.
Quelle est la prochaine étape ?
Dans les quinze prochains jours, nous mettrons au point le contenu juridique de notre accord. L'objectif est d'arriver à un traité pour le mois de mars.
Il faut bien voir que c'est une autre Europe qui est en train de naître : celle de la zone euro, où les maîtres mots seront la convergence des économies, des règles budgétaires, de la fiscalité. Une Europe où nous allons travailler ensemble à des réformes permettant à tous nos pays d'être plus compétitifs, sans renoncer pour autant à notre modèle social. La stabilité de notre continent est à ce prix.
Ne craignez-vous pas des problèmes de ratification ?
Non, car la procédure retenue est plus légère, même si chaque pays reste maître de la procédure de ratification. En tout état de cause, nous souhaitons être prêts à l'été 2012. Enfin, je le répète, nul ne pourra contester le rôle accru ainsi donné aux gouvernements européens.
Cela fait six mois où les marchés peuvent encore attaquer…
Si vous voulez me dire que c'est difficile, je vous le confirme : c'est difficile. Aucune grille de lecture idéologique ne fonctionne plus. Il faut beaucoup de sang-froid pour ne pas surréagir et le même sang-froid pour ne pas sous-réagir. J'ai conscience du risque de ne pas être compris des populations qui souffrent et qui voient des sommets se succéder, donnant l'impression d'être déconnectés de leur vie quotidienne. En même temps, nous n'avons pas le choix. Il faut tenir la barre le plus solidement possible et sortir de la spirale des crises.
  • L'AXE FRANCO-ALLEMAND
Que répondez-vous à ceux qui disent que les choix pour enrayer la crise de l'euro sont imposés par Angela Merkel ?
A ceux qui se plaignent et me reprochent l'axe franco-allemand, je demande ce qu'ils proposent comme stratégie alternative. Rester seuls ? Qui peut penser que la France seule aurait fait mieux avancer ses idées ? A moins qu'on me propose une autre alliance… Mais laquelle ?
C'est vrai que le sommet de Bruxelles est le fruit d'un compromis franco-allemand et, depuis le début de cette crise, nous avons fait mouvement l'un vers l'autre. Qui aurait pensé, il y a deux ans, que nos partenaires se rallieraient à l'idée d'un gouvernement économique, organisé autour des chefs d'Etat et de gouvernement ? Qu'ils souscriraient à la création d'un fonds monétaire européen, incarné par le MES ? Autant d'idées françaises ! La chancelière, que j'apprécie beaucoup, a fait mouvement avec pragmatisme et intelligence.
Quant au mot de capitulation que j'ai entendu employer par certains, tout ce langage guerrier qui fleure bon le nationalisme d'antan, laissez-moi vous dire ce que j'en pense : je me sens français au plus profond de moi-même, mais mon amour de la France ne m'a jamais conduit à accuser nos voisins, nos alliés, nos amis. Et ceux qui cherchent à nourrir la germanophobie se déconsidèrent.
Un triangle avec les Britanniques ?
Le Royaume-Uni n'est pas dans l'euro. Le triptyque Berlin-Londres-Paris aurait eu un sens si nous avions eu une crise de l'Union européenne, mais ce n'est pas le cas. C'est une crise de l'euro.
L'importance de l'entente avec l'Allemagne signifie-t-elle qu'on ne peut rien faire avec Londres ? Non. Nous sommes intervenus en Libye avec le Royaume-Uni, et le premier ministre, David Cameron, a été courageux. Avec Londres, nous partageons l'attachement à l'énergie nucléaire et une coopération forte dans le domaine de la défense, qui est essentielle.
Vous avez mis du temps à apprécier le modèle allemand…
Si vous voulez dire que la présidence et la confrontation avec les épreuves changent un homme, c'est vrai. Si vous voulez me faire dire que, après quatre ans et demi à l'Elysée, j'ai appris et évolué dans mon raisonnement, c'est vrai aussi.
Entre la France et l'Allemagne, il y a d'abord l'histoire. Soixante-dix ans d'affrontements suivis par soixante-dix ans de paix. Quel doit être le prochain cycle? Nous n'avons pas le droit de diverger avec l'Allemagne, car la divergence conduit à l'affrontement. Nous devons donc nous comprendre et rechercher des compromis permanents.
Il est essentiel, ensuite, que les deux premières économies d'Europe convergent pour créer une zone de stabilité. Ce qui ne doit pas nous faire oublier les atouts de la France : une démographie qui fait que nous serons aussi nombreux que les Allemands dans trente ans, une énergie moins chère grâce au nucléaire, et un système institutionnel qui permet de gouverner le pays, notamment en cas de crise.
Dans un discours sur la repentance, en 2006, vous avez dit que la France, elle, n'avait pas commis de génocide…
Les Allemands ont assumé leur histoire avec courage et lucidité. Nous n'avons rien à leur reprocher.
  • LA NOUVELLE EUROPE
A Bruxelles, la semaine dernière, vous avez mis les Anglais hors d'Europe…
Je n'ai pas vu les choses ainsi. Nous avons tout fait, la chancelière et moi, pour que les Anglais soient partie prenante à l'accord. Mais il y a désormais clairement deux Europe. L'une qui veut davantage de solidarité entre ses membres, et de régulation. L'autre qui s'attache à la seule logique du marché unique.
Comment se sont-ils retrouvés seuls ?
L'affirmation répétée de leur opposition à toute perspective d'entrer dans l'euro ne peut être sans conséquence. J'ajoute que les demandes sur les services financiers n'étaient pas acceptables. La crise est venue de la dérégulation de la finance. Jamais nous ne pourrions accepter un retour en arrière. L'Europe doit aller vers davantage de régulation.
Est-il légitime, désormais, que le Royaume-Uni reste dans le marché unique ?
Nous avons besoin de la Grande-Bretagne ! Ce serait un grand appauvrissement de voir son départ qui, fort heureusement, n'est pas d'actualité.
Dans cette Europe des 27 maintenant plus confédérale, l'entrée de la Turquie ne devient-elle pas logique ?
Vous savez, mes réserves qui n'ont pas changé. Si, dans la crise que nous connaissons, nous avions levé ces réserves, je ne crois pas que cela aurait facilité la tâche de l'Europe. L'Union européenne, c'est d'abord pour le continent européen. A ma connaissance, nos amis turcs, grande puissance, grande nation, sont essentiellement en Asie mineure.
Nous venons d'accueillir la Croatie. L'ouverture à la Serbie est une perspective. Réunissons d'abord la famille européenne avant de poser des questions extra-européennes. Je souhaite que nous ayons les meilleurs rapports avec la Turquie, cela va de soi. Dans mon esprit, elle a un grand rôle à jouer dans le monde, un rôle de trait d'union entre l'Orient et l'Occident. A-t-elle intérêt à quitter ce rôle de pont entre les deux rives pour en rejoindre une ? Je pense que ce serait un affaiblissement.
  • LES ENGAGEMENTS FRANÇAIS
Le président français est-il prêt à accepter les règles européennes alors que, en 2007, vous êtes allé à Luxembourg demander un report du retour à l'équilibre de la France et que, récemment, le premier ministre, François Fillon, a protesté contre les prévisions de croissance de la Commission ?
On ne parle pas de la même époque ou du même monde, même si c'est le même président. Nous sommes d'autant plus prêts à cet effort que nous l'avons commencé dès 2007. La mise en place du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui nous a valu tant de critiques, c'est 2007. La réforme de la carte judiciaire, c'est 2008. La réforme de la carte militaire, c'est 2009. Quant à la réforme des retraites, si nous ne l'avions pas faite, nous serions dans la situation peu enviable de certains de nos partenaires.
Comment jugez-vous le risque de dégradation de la France par les agences financières ?
L'une des trois agences de notation a mis sous perspective négative la France, ainsi que toute la zone euro. Pourquoi? Parce que la zone euro connaît un problème de gouvernance: c'est un problème dont nous nous occupons et qui n'est pas spécifique à la France. Deuxième souci, le risque sur les banques françaises. Bonne nouvelle: l'Autorité bancaire européenne estime le besoin de recapitalisation des banques françaises à 7,7 milliards d'euros, contre 13milliards pour l'Allemagne. Pas un centime du budget de l'Etat n'ira donc à la recapitalisation des banques.
Troisième élément, les perspectives de la croissance française. Le gouvernement a fixé une prévision de 1 % pour 2012. Mais dans le même temps, un gel de 6 milliards de crédits a été mis en place pour faire face, en cas de croissance limitée à 0,5 %. Dernier point relevé par l'agence, le niveau élevé de nos dépenses. Mais chacun reconnaît que nous avons su faire preuve de réactivité en la matière dans le passé.
Le grand risque, c'est donc celui de la contagion de la crise européenne. C'est pourquoi nous luttons pour la maîtriser.
Sommes-nous menacés de dix ans d'efforts ou de croissance très lente, à la japonaise ?
C'est un risque qui m'a conduit à ne pas choisir une politique fondée sur la rigueur. La rigueur, c'est baisser les salaires et les pensions de retraite. Je m'y refuse et m'y refuserai. Si nous allions dans cette direction, cela plongerait la France dans la récession et dans la déflation. Si vous réduisez vos recettes en même temps que vous abaissez vos dépenses, vous ne résolvez pas vos problèmes de déficits. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, en 2009, 35 milliards d'euros en faveur des investissements d'avenir. C'est le contraire d'une politique de rigueur et d'austérité. Il nous faut à la fois réduire notre déficit et notre endettement, libérer le travail et retrouver de la compétitivité.
Mais les agences ne nous en rendent pas justice…
Pour l'instant, elles ont maintenu le triple A. Si elles devaient nous le retirer, nous affronterions cette situation avec sang-froid et calme. Ce serait une difficulté de plus, mais pas insurmontable. Ce qui compte avant tout, c'est la crédibilité de notre politique économique et notre stratégie déterminée de réduction de nos dépenses. Nous respecterons scrupuleusement les engagements que nous avons pris.
Quelle mesure phare faut-il prendre pour convaincre les investisseurs ?
Si nous n'avions pas fait la réforme des retraites, c'est celle qu'il faudrait faire. Pour le reste, il n'y a pas de mesure clé ou miracle car ce qui compte, tout autant que de réduire les dépenses, c'est d'augmenter la croissance. Cela passe par l'autonomie des universités, le développement du crédit impôt recherche, les investissements d'avenir, la suppression de la taxe professionnelle. Tout ce que la France a commencé à faire.
La règle d'or ?
La règle d'or est une mesure importante. C'est une règle de bon sens: les budgets doivent être construits sur plusieurs années avec l'objectif d'aller vers l'équilibre. Qui peut de bonne foi contester cet objectif ? J'aurais aimé que toutes les formations politiques françaises s'inspirent de ce qu'ont fait les Espagnols et les Allemands en adoptant par consensus cette règle, sans que personne n'y perde son identité.
Mais la dépense publique continue d'avoir un poids supérieur en France par rapport à l'Allemagne…
Oui, c'est vrai, parce que l'Allemagne a eu le courage d'engager la réforme de ses dépenses publiques dix ans avant la France. Il est normal qu'elle en obtienne les fruits avant nous. Ne sous-estimons pas pour autant la force des réformes mises en œuvre en France. Ainsi, la réduction de 150 000 fonctionnaires va considérablement alléger, dans l'avenir, le poids des dépenses publiques. Il en sera de même pour la réforme du régime des retraites, qui rapportera à la Sécurité sociale 22 milliards d'euros en 2017.
Comment analysez-vous le doute grandissant des Français sur l'euro ?
Les Français associent l'euro à leurs difficultés, mais en même temps, ils comprennent les risques qu'il y aurait à en sortir et à s'isoler. Je rends hommage à leur lucidité. Les Français ne contestent pas l'Europe, mais la façon dont sont conduites certaines politiques européennes. A ce titre, la politique commerciale est l'exemple même de ce qu'il convient de changer. On augmente les charges et les contraintes sur nos producteurs, et on laisse entrer sur notre marché des produits fabriqués dans des pays qui ne respectent aucune de ces contraintes. Cela ne peut plus durer. La réciprocité doit devenir la règle. La concurrence ne peut être que loyale ; si elle est déloyale, il faudra en tirer des conséquences sur l'ouverture de nos marchés.
Les élections à venir empêchent-elles une union nationale qui serait utile ?
Il y a un calendrier démocratique. On ne va pas suspendre les élections parce qu'il y a une crise.
Diriez-vous que le comportement des socialistes français coûte à la France ?
Je n'ai pas à juger l'opposition. J'ai tant à faire par ailleurs… Les Français seront les seuls juges.
François Hollande vous accuse de courir après la crise…
Avant de formuler un commentaire si définitif, j'invite chacun à réfléchir à cette crise, à sa profondeur, à sa gravité.

UE : Hollande veut renégocier l'accord s'il est élu

Le candidat du PS à la présidentielle estime que le projet de traité intergouvernemental arrêté vendredi dernier par 26 des 27 membres de l'Union européenne n'apporte pas «la bonne réponse» à la crise des dettes souveraines.

François Hollande a annoncé lundi qu'il entendait «renégocier», s'il est élu, l'accord sur le projet de traité européen trouvé vendredi dernier à Bruxelles, tout en «y ajoutant ce qui lui manque». Le candidat socialiste à la présidentielle de 2012 a estimé que ce projet, arrêté par 26 des 27 membres de l'Union européenne, n'apporte pas «la bonne réponse» à la crise des dettes souveraines
Interviewé par RTL, Hollande s'est vu demander: «Est-ce qu'il vous engage, cet accord, si vous êtes à l'Élysée?». Ce à quoi le candidat a répondu: «Je verrai bien (…). Il n'y a aucune date pour l'instant qui a été fixée, on parle du mois de mars». «Si je suis élu président de la République, je renégocierai cet accord pour y mettre ce qui lui manque aujourd'hui, de l'efficacité sur les marchés, je souhaite que nous ne soyons pas dégradés d'ici là, pour l'intérêt de mon pays», a-t-il dit. «Et deuxièmement je ferai en sorte qu'on y ajoute ce qui manque c'est à dire l'intervention de la BCE (Banque centrale européenne), les eurobonds, et un fonds de secours financier, c'est-à-dire ce qui va répondre à ce qu'est aujourd'hui la pression des marchés, et enfin il faut qu'il y ait de la croissance», a poursuivi François Hollande.
«Le retour de l'équilibre des comptes à la fin 2017»
«Si je suis élu président de la République je ferai voter avec le Parlement, qui sera lui-même nouveau, une loi de programmation des finances publiques extrêmement précise sur le retour de l'équilibre de nos comptes à la fin de 2017. Je prendrai cet engagement à la fois devant nos partenaires européens et devant les Français», a-t-il rappelé.
Quant à la question de faire voter la règle d'or, le député de Corrèze a déclaré «ne pas être dans cette logique». «Il faut enfin qu'il y ait de la croissance», a fait valoir François Hollande. «Sans croissance, nous n'atteindrons aucun de nos objectifs de réduction des déficits.»
Pas-de-Calais: Hollande veut de l'honnêteté
Concernant les soupçons de faits de corruption qui pèsent désormais sur la fédération PS du Pas-de-Calais, François Hollande a assuré qu'il n'avait «jamais» eu connaissance de dysfonctionnement financier et a prévenu que «probité et honnêteté» seraient les règles pour assurer le changement en 2012.
«Je n'ai à ménager personne. Je ne suis pas le candidat simplement d'un parti. Je suis candidat à l'élection présidentielle pour faire le changement en 2012 (...), rien ne me détournera». «Des enquêtes, il y en aura, partout et je souhaite que la probité, l'honnêteté soient les règles qu'il faudra respecter aussi bien dans le Parti socialiste que dans tout autre parti. Il n'y aura aucun manquement à ces règles, aucune excuse», a-t-il dit. «Moi je n'ai pas d'amitié à préserver, j'ai simplement à faire en sorte que les Français puissent espérer le changement en 2012», a-t-il justifié.»
Le député-maire PS de Liévin, Jean-Pierre Kucheida est mis en cause actuellement par une enquête préliminaire pour des faits de financement occulte. Après la révélation la semaine dernière d'un courrier d'Arnaud Montebourg évoquant «un système de corruption» d'élus PS du Pas-de-Calais, Martine Aubry a annoncé jeudi la création d'une commission d'enquête interne sur cette fédération parmi les plus importantes du parti.
LES PRÉTENTIONS DE CETTE DEMIE PORTION SONT INSUPPORTABLES !
C'EST ABERRANT !!

Villepin, la vie comme un roman

Bernadette Chirac le comparait à Néron et Nicolas Sarkozy le rêvait suspendu à un croc de boucher. Du CPE raté à l’affaire Clearstream en passant par la dissolution calamiteuse de 1997, la barque de Dominique de Villepin aurait pu couler dix fois. Lui préfère regarder l’image de sa propre silhouette gravir en vainqueur les marches de l’Élysée en mai prochain. L’ancien Premier ministre épris de littérature flamboyante et d’épopées victorieuses imaginerait-il sa vie comme un roman…

En se jetant dans la course à l’Élysée, Dominique de Villepin prend son monde à contre-pied. Son récent déjeuner à la Lanterne avec son ennemi intime Nicolas Sarkozy n’était donc qu’un leurre, le rapprochement des deux hommes un effet d’optique.

Que les moqueurs raillent le fondateur solitaire de République solidaire, que les sceptiques cherchent désespérément sa trace dans les sondages, peu lui chaut. Villepin n’est pas un candidat de plus, il se voit un destin. Ses références gaulliennes, sa haine de Sarkozy ravalée, son dépassement, voire son mépris des partis, n’est-ce pas la marque de celui que la France attendait…

Mais avant cela, une petite formalité s’impose à lui : affronter le suffrage universel. Et pas par la petite porte. Pour la première fois, cet homme de l’ombre, cet habitué des cabinets sombres de la République va se frotter à la lumière crue des estrades. D’autres avant lui s’y sont brûlé les ailes…

Les suiveurs de fdebeauce

Dominique de Villepin voulait peut-être cultiver son côté vieille France. Une annonce de candidature au 20 heures de TF1, par les temps numériques qui courent, c’est comme un minitel sur la commode du salon ou Giscard en pull-over devant la cheminée déclamant son « Madame, Mademoiselle Monsieur ».

Voyez François Fillon ou plutôt fdebeauce. Sous ce pseudonyme d’acteur de série B, le Premier ministre balance depuis deux mois des messages de 148 signes sur le réseau social Twitter et infiltre et discute avec des milliers de gens. Un Hercule Poirot de cet univers de moins en moins parallèle l’a démasqué ; un prof d’informatique. Ça fait bien mais le détective surnommé « smarchau » n’a pas dû bien forcer. « Twitter », comme sa version longue Facebook, c’est le comice agricole de ce siècle, le café du commerce, la distribution de tracts à l’angle du marché. L’endroit où, débarrassé des harassantes tournées d’apéros de foires et de poignées de mains, le politique prend la température du pays, s’adresse au peuple, rencontre les citoyens. Sur Twitter, ils s’appellent « followers ». Ce mot signifie « suiveurs » en Anglais (Villepin en a peu pour le moment !) et il fait rêver les politiques de tous bords depuis qu’existent les élections. Fdebeauce devrait quand même se méfier. Suiveur n’est pas encore synonyme d’électeur.

Les deux troisièmes hommes

Ils se détestent cordialement mais la vie politique est si facétieuse, ou si cruelle, ou si dérisoire, qu’elle a fini par les réunir. Les hasards du calendrier de la présidentielle les ont a amenés à accomplir, la même semaine, le geste le plus important d’une carrière politique : une déclaration de candidature à l’élection présidentielle.

Le même besoin instinctif de poésie, le même vertige d’Aragon, la même certitude gaullienne d’être au-dessus du lot, le même sens du tragique, le même goût pour une certaine solitude rapprochent François Bayrou et Dominique de Villepin. Tout le reste les sépare. Il faut vraiment que l’échiquier démocratique soit à ce point livré à un jeu fou pour qu’il fasse cohabiter le centriste et le gaulliste dans une même case : celle du troisième homme.

Ils partagent une même aversion pour l’adversaire élyséen qui a juré leur perte mais ils n’ont pas les mêmes chances de faire échec au roi. Le président du MoDem est parvenu à survivre à deux traversées du désert sans perdre le contact avec les Français y compris quand il s’est égaré sur de fausses pistes. Et même après qu’il se soit tiré une balle dans le pied lors du seul scrutin qu’il pouvait remporter : les Européennes. Il a réussi par on ne sait quel miracle à rester dans le jeu politico-médiatique quand il ne représentait plus que lui-même, ou presque : trois députés siégeant sur les bancs des non-inscrits à l’Assemblée nationale…

Au fond la création de son improbable mouvement centriste, qui n’a jamais su trouver son positionnement, n’avait qu’un seul objectif : tenir coûte que coûte, en serrant les dents, jusqu’au rendez-vous présidentiel. Le seul qui vaille à ses yeux. Il y est, pour la troisième fois. Et même si François Bayrou ne se départit pas de cette ambiguïté qui, au fond, est sa pire ennemie, les événements sont favorables au seul candidat qui, en 2007, avait fait campagne en mettant la résorption de la dette au premier rang des priorités nationales. Le voilà à 13 % dans les sondages mordant à la fois sur l’électorat frontiste avec son « Achetez français », sur celui de Nicolas Sarkozy — à qui il offre un profil plus rassurant que celui du chef de l’État — et demain, peut-être sur celui de François Hollande, un peu déboussolé par les humeurs imprévisibles de la gauche…

Si « DDV » se veut lui aussi « au-dessus des partis », en se disant superbement étranger à la frontière entre la droite et la gauche, il n’a pas ces cartes-là et n’est jamais parvenu à incarner un recours. Il manque l’expérience des batailles à ce passionné d’histoire qui est, peut-être, d’un autre siècle.

Clivages artificiels, danger réel

Sondage après sondage, les Français ne cessent de redire massivement qu'ils doutent de la capacité de la droite, comme de la gauche, à sortir le pays de la crise. Ceux qui s'expriment ainsi ne sont pourtant pas, loin s'en faut, des partisans des extrêmes. En fait, bien des Français ne pensent pas que l'opposition droite-gauche soit pertinente. C'est ce que montrait une étude de la Fondation Jean-Jaurès, l'été dernier : seuls 17 % des Français qui se classent à gauche et 14 % de ceux qui se classent à droite jugeaient ce clivage « structurant ». La part de l'électorat flottant, dont le vote n'est pas acquis « idéologiquement », est donc importante. Résultat : les partis cherchent comment l'ancrer chez eux.

Personne n'ignore que la crise des finances publiques en Europe laisse peu de marges de manoeuvre. Droite et gauche conviennent qu'il va falloir réduire les déficits, faire des économies. Tout le monde le sait : la différence entre le Parti socialiste et l'UMP n'est plus celle qui opposait naguère marxistes et libéraux. La bataille se joue dès lors du côté des symboles et de l'émotion.

Sécurité, nucléaire civil, vote des étrangers, immigration, mariage homosexuel... Il faut forcer le trait. Ou alors on joue sur la critique acerbe, systématique, exagérée... D'une manière ou d'une autre, il faut cliver, durcir les oppositions, faire saillir les antagonismes. La politique française devient un formidable exemple de ce que René Girard appelle « la crise mimétique » : désirant le même objet (les électeurs flottants), les acteurs politiques s'affrontent de plus en plus durement.

Cette violence n'est pas physique, heureusement, mais médiatique et mentale. C'est presque un réflexe pavlovien. Les responsables politiques semblent ne pas comprendre qu'ils contribuent ainsi à défaire le peu de confiance qui demeure à leur égard. Soit ils donnent l'impression qu'ils tentent de manipuler l'opinion sur des dossiers secondaires (non sans importance, mais semblant utilisés comme des écrans de fumée pour détourner l'attention). Soit ils mobilisent les passions sur des questions qui, à terme, ne laisseront pas place à de grandes différences, parce que les contraintes sont trop lourdes pour des virages aigus (comme c'est le cas, par exemple, du nucléaire). Au total, ils accroissent encore le nombre des Français qui doutent de leur capacité à faire la première chose qui importe face à la crise : rassembler. En mai, les électeurs pourraient donc non pas choisir celui qu'ils préfèrent, mais celui qu'ils rejettent le moins... Situation à haut risque !

De cette situation naît un danger encore plus grand. Le problème des crises mimétiques, c'est qu'elles tendent à se résoudre par la désignation d'un ennemi commun à qui l'on fait endosser la culpabilité de la situation. On voit bien que c'est aussi ce qui se cherche confusément, lorsque l'on se crispe sur les étrangers, sur l'islam, sur les récidivistes, ou maintenant sur la domination allemande. Les politiques devraient y prendre garde. Comment sera-t-il possible, demain, de surmonter les oppositions pour s'occuper de l'essentiel ? Comment apaisera-t-on les passions soulevées ? Comment réduira-t-on les antagonismes qu'on instrumentalise aujourd'hui ? À trop vouloir cliver, les politiques risquent d'injurier l'avenir.

Pourquoi la nudité impacte tant nos cerveaux

Selon une étude américaine, une personne qui laisse apparaître des parties de son corps dénudées est automatiquement perçue comme plus à même de ressentir des émotions et de s'y livrer. Et plus elle se vêtit, plus elle donne l'air de savoir se contrôler et de faire des choix rationnels. Explications sur nos tendances à transformer les autres en "objets". 

La personnalité d'un individu change-t-elle selon que la même personne porte un pull, un débardeur ou apparaît dénudée ? La question semble absurde. Pourtant, en pratique et même si la personne elle-même reste la même quels que soient ses vêtements, c'est ainsi que nous déterminons notre perception des autres.
Une étude menée par une équipe de prestigieux psychologues américains conclut que plus un individu laisse paraître de sa chair, moins il semble à même  de se maîtriser et plus il est enclin à laisser ses émotions le dominer. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés  des chercheurs américains des universités de Harvard, Yale, Northeastern et du Maryland.  
Les  scientifiques estiment que l’être humain évalue l’esprit de l’autre via deux dimensions principales. La première est l’agency, qui se comprend comme étant la capacité prêtée à l’autre d’agir, de planifier, de se contrôler lui-même ; la seconde est dite experience, et renvoie à la capacité prêtée à l’autre de ressentir et percevoir des émotions. En somme, ce qui est réfléchi et ce qui est ressenti. Selon les psychologues, ces deux dimensions fonctionnent ensemble, comme une dualité : par exemple, si quelqu’un est perçu comme ayant une forte propension à prendre du plaisir en faisant quelque chose, il sera d’autant plus perçu comme n'étant pas maître de lui-même.
Les capacités à raisonner ou à agir à l'instinct seraient donc opposées l’une à l’autre et s’annuleraient. L’étude estime alors que l’on peut en réalité très facilement attribuer plus de capacité à ressentir ou à penser à la même personne en fonction de l’apparence sous laquelle elle nous est présentée. 

La raison et la morale ou l'instinct et les plaisirs

Ainsi de la première expérience menée : 159 étudiants se sont vus soumettre les photos d’une jeune fille et d’un jeune homme, Erin et Aaron (voir photo ci-dessus), tous deux plutôt séduisants. Les deux premières photos ne révèlent que leur visage. Les deux photos suivantes montrent leur visage et leur torse dénudé, Erin ne portant qu’un soutien-gorge.
Dans les deux cas, la photo d’origine est la même, celle montrant le visage n’étant qu’un gros plan de la photo de base. Six questions étaient posées au panel : en comparaison d’une personne moyenne, les étudiants devaient dire à quel point la jeune fille ou le jeune homme sont capables d'une part de "se contrôler eux-mêmes", "d'avoir un comportement moral", "de planifier" (trois notions qui renvoient à la capacité d’action), et d'autre part de ressentir du "plaisir", de la "faim" et du "désir" (trois notions renvoyant au ressenti).
Le résultat est net : même personne, même expression faciale et même descriptif présenté avec la photo et pourtant une perception très différente. Quand les étudiants ne voient que le visage d’Aaron ou d’Erin, ils les créditent de plus "d’agency", donc de capacité à agir et à se maîtriser. Quand ils voient ce même visage mais également une partie de leurs torses dénudés, les deux sujets des photos sont crédités de plus d’experience, donc de propension à écouter leur instinct plutôt que leur raison.

Entretien d’embauche et site de rencontre

Donc, plus on apparaît dénudé, plus on renvoie l’image d’un être émotif plutôt que rationnel. La seconde expérience confirme cette thèse. Les chercheurs ont présenté deux photos d’une même jeune fille. Sur l’une, elle a l’air sérieux, comme si elle postulait à un emploi. Sur l’autre, elle cherche à mettre en valeur son charme, comme si elle répondait à une annonce d’un site de rencontre.
Les étudiants devaient regarder chaque photo selon deux perspectives différentes. Ils ont estimé que la capacité d’agir de la jeune fille était bien plus élevée lorsqu’elle paraissait sérieuse que lorsqu’elle mettait en avant son charme. Et quand on a demandé au panel à quel point la jeune file avait l’air "sexy", la photo de l’entretien d‘embauche était sensiblement moins convaincante que celle du site de rencontre.
Les autres expériences confirment la tendance. C'est le cas lorsque des photos montrant une dizaine de personnes tour à tour habillées et nues, mais toujours dans la même position, celle-ci variant, selon les personnes, d’une posture neutre ou sexuellement suggestive. Enfin lorsqu’il s’agit de savoir, entre un jeune homme plutôt beau et musclé et un autre au physique moins parfait, lequel est le plus sensible à la douleur : les réponses varient encore en fonction de s’ils sont présentés habillés ou dévêtus (et donc laissent ou non apparaître leur musculature plus ou moins saillante). 

Notre cerveau est-il kantien ou platonicien? 

Cette étude permet d'éclairer un champ philosophique notamment exploré par Kant sur ce qui arrive quand nous regardons un autre corps. Pour Kant, l'attraction sexuelle fait de l'autre un objet d'appétit et dès que cet appétit est satisfait, la personne est rejetée "comme un citron dont aurait pressé tout le jus". En d'autres termes, regarder une personne nue induit une forme d'aveuglement du cerveau. L'autre est transformé en objet, il devient un vecteur de satisfaction plutôt qu'un personne douée de capacité de raisonnement. De quoi expliquer qu'il ait été constaté que dans les pubs, les femmes soient le plus souvent représentées avec un corps attirant quand les hommes sont plus représentés par leurs visages uniquement, ce qui recouvre les rôles sociaux traditionnels attribués aux deux sexes (femmes émotives contre hommes "pensants").
Or l'étude souligne que la réalité est un peu plus compliquée que cette vision de Kant. La nudité n'induit pas que nous regardions l'autre comme un "objet" mais comme un être plus enclin à se laisser aller à ses émotions qu'à penser.
Nous serions donc des dualistes platoniciens puisque Platon considérait que nous avons deux formes d'esprit, l'une pour la pensée et le raisonnement, l'autre pour les émotions et la passion. Ce qui apparaît dans cette étude, c'est à quel point, nous passons de l'un à l'autre de ces modes de fonctionnement du cerveau.
Ces résultats peuvent à la fois paraitre logiques et surprenants. Qui ne penserait pas, au moins inconsciemment, en voyant un bodybuilder, qu’il agit plus à l’instinct qu’à la raison ? Qui ne trouverait pas qu’une femme, portant des habits larges couvrant son corps, a l’air plus à même de raisonner qu’un top model finement vêtue ? Au-delà de l’expérience, l’étude rappelle à quel point l’apparence conditionne les hommes. Et qu’il est parfois bon d’essayer de réfléchir, justement en contrôlant son instinct.