TOUT EST DIT

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lundi 2 septembre 2013

François Fillon : le coup du Château !

« C’est le ratage de la rentrée ». Les experts en communication politique sont quasiment unanimes : la mise en scène châtelaine de François Fillon et de se famille « à l’heure du thé sur ses terres de la Sarthe » serait « une faute de goût » pour le moins tant ces images « classieuses » les montrent éloignés des réalités françaises difficiles et parfois douloureuses. Alors qu’à l’inverse les proches de l’ancien premier ministre veulent y voir un« coup du château » bien réussi. Rien n’est moins sûr ! Accrochez-vous… 

Ce coup du château serait d’abord parfaitement résumé dans ce titre qui renforce et répercute l’image : « pour bien gouverner il faut être équilibré… » C’est François Fillon en personne qui prononce cette phrase dans la longue interview qui accompagne les huit pages, rien de moins ! qui lui sont consacrées. Il s’agit évidemment d’une pierre dans le jardin…que n’ont pas Nicolas Sarkozy comme Jean-François Copé. Ni l’un ni l’autre en effet ne peuvent mettre en avant comme en arrière plan ce décor du manoir de Solesmes majestueux en son apparat comme en ses fondations profondes sur lesquelles repose, s’enracine et croît une famille qu’on nous présente unie contrairement aux cellules  des divorcés-recomposés-décomposés ! 

Alors que les « pères et les repères » foutent le camp, « le patriarche » est là qui peut régenter sa couvée bien éduquée – comme ils sont tous parfaitement coiffés, vêtus, agencés, on croirait une pub pour la Caisse d’épargne-  et donc ambitionner les plus hautes responsabilités. Une famille qui prend le thé dans l’harmonie du bien être et nous ouvre les porte fenêtres de son manoir, serait une garantie de stabilité, d’enrichissement, de bien être généralisé… 

Ainsi s’expliquerait aussi que le pudique ait envoyé par dessus son donjon sa règle de retenue. François Fillon, contre Nicolas Sarkozy, avait fait de l’économie de communication un principe d’action. Il a toujours tenu à verrouiller son intimité, à se montrer discret sur sa vie privée, tandis que l’ancien Président étalait la sienne. Alors certes le prude ne s’expose pas en short et laisse à ses descendants les bermudas, mais il nous ouvre les portes de sa propriété et celles de son cœur comme de sa vie familiale. 

Non seulement il pose au volant de son tracteur, au côté de son cheval Onyx et de sa femme Pénélope (« son alliée la plus fidèle ») mais il insiste dans ses confessions inaccoutumées : « nous nous sommes mariés voilà trente trois ans, je n’ai jamais rien fait sans son appui… » Et comme elle le soutient -« bien sûr !»- dans sa campagne présidentielle pour 2017, on comprend que  sa candidature, c’est du sérieux. Sans négliger cette fois l’affectueux, puisque ce réservé, ainsi qu’il se décrit, nous confesse l’affection encourageante de son épouse mais n’hésite pas aussi à nous conter ces menus bonheur qui font la vie de famille réussie : « j’ai marié en juillet mon fils aîné Charles… ». Ou encore : « ma fille Marie a un bébé Jules, qui a fait ses premiers pas cet été, chez nous.. » Comprenez aussi que la France avec Lui pourrait demain se redresser et marcher de nouveau vers un avenir radieux… 

Mais il y a mieux encore. Certains fillonistes, et Fillon lui-même ont encore en tête les mésaventures qu’avait connues Jacques Chirac à ses débuts avec son Château de Bity en Corrèze. Quand ce dernier était secrétaire d’état aux Finances dans le gouvernement Couve de Murville, il avait fait l’acquisition, sous la pression de Bernadette (Chodron de Courcelles de son nom de jeune fille) d’une « vieille bicoque chancelante», disait-il. En fait une demeure aristocratique de 2050 mètres carrés qu’il faisait classer demeure historique, ce qui lui permettait de toucher quelques subsides pour les travaux de rénovation et même de ne pas payer d’impôts pendant deux années… 

Tout cela avait fait un tel désordre que le président  Georges Pompidou, son père en politique, l’avait ainsi tancé : « quand on prétend faire de la politique, on s’arrange pour ne pas avoir de château, sauf s’il est dans la famille depuis au moins Louis XV !... » Ce n’est pas le cas non plus pour Fillon, mais en nous montrant ainsi son « manoir familial », comme s’il nous le proposait pour le patrimoine national, au fond il nous le ferait visiter et avaler. Ce serait cela son coup du château : maintenant qu’on la vu, on y reviendrait pas ! Est-ce si sûr ? 

Voilà pour la défense filloniste en tout cas. L’accusation est plus lapidaire : cette mise en scène vieillotte est l’illustration de ce qu’il ne faut plus faire. En croyant dévoiler plus d’humanité, les politiques sans s’en rendre même compte, révèlent de l’inhumanité. Ils révèlent par l’étalage de leurs façons de se tenir, de se vêtir, de décorer leurs intérieurs à quel point ils sont éloignés du commun des mortels. Jean-François Copé avait commis une identique erreur en s’exposant dans Paris-Match il y a quelques mois. Notons que la théière était du même acabit… 

Mais le modèle dans le genre du représentant de l’élite inconscient demeure Edouard Balladur. Candidat à l’élection présidentielle, l’ancien Premier ministre en campagne eut le souci tardif de faire peuple et se fit donc photographier lors d’un petit déjeuner en ses appartements privés avec son épouse. Mais les théières et couverts en argent tellement astiqués lui furent fatals tant ils brillaient de cette évidence qu’il vivait sur une autre planète que le commun des mortels ! Telle est la cruelle leçon que se refusent à tirer les dirigeants politiques : plus ils font des efforts pour montrer que ce sont des hommes comme les autres et plus ils démontrent le contraire. Sous prétexte de quête de proximité, ils accroissent les distances. Sidérales… 

On ne leur demande pas d’ailleurs d’étaler sur la place publique leur vie quotidienne. En ce sens, Fillon 1 qui se voulait discret avait raison contre Fillon 2 l’exhibitionniste ; et il  ne faudra sans doute pas très longtemps pour se rendre compte de son erreur. Il se demandera sans doute un jour : « mais quelle mouche communicative a donc pu me piquer ». Peut-être écrira-t-il même un essai auto-critique : « la communication boomerang » ou « exhibition, piège à… » 

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