TOUT EST DIT

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mercredi 10 avril 2013

Pourquoi il ne pourra pas y avoir de véritable moralisation de la vie publique sans refonte du moule de fabrication des élites françaises

Après les aveux dévastateurs de Jérôme Cahuzac, le Premier ministre a promis lundi un texte sur la moralisation de la vie politique. Le projet de loi devrait être présenté en Conseil des ministres le 24 avril et rapidement soumis au Parlement. L'objectif du gouvernement est de le faire adopter avant l'été.

Après les aveux dévastateurs de Jérôme Cahuzac, l'exécutif a promis lundi un texte sur la moralisation de la vie politique le 24 avril. Le Premier ministre a annoncé par ailleurs la publication des déclarations de patrimoine de l'ensemble des ministres d'ici au 15 avril. Mais au-delà des mesures déontologiques, en quoi les problèmes mis à jour par l’"affaire Cahuzac" relèvent-ils de la formation des élites françaises ?

Éric Verhaeghe : Je dirais plutôt que cela relève de leur absence de formation. En l'espèce, de formation aux problèmes éthiques. Les élites françaises sont très bien formées à la technique administrative et politique. En revanche, la notion de responsabilité individuelle et de choix moral, au sens de choix juste, est totalement occultée dans le parcours des décideurs. Elle est même combattue pour une raison existentielle : les élites françaises se définissent d'abord par les privilèges qui les distinguent de la plèbe à laquelle nous appartenons.

Appartenir à l'élite, en France, signifie d'abord (pas pour tout le monde, mais pour beaucoup, et généralement pour ceux qui inspirent confiance au système) s'enorgueillir de ne pas obéir à la loi commune. Alors que les pays du Nord de l'Europe ont une répugnance profonde pour ce fantasme aristocratique, il est, dans la noblesse de robe républicaine, l'élément constitutif de la conscience des élites.

Christophe de Voogd : Il faut rappeler qu'on est un peu à fronts renversés dans cette affaire. Jérôme Cahuzac a un parcours atypique pour un ancien ministre du budget. Habituellement à ce poste là, on est haut fonctionnaire ou politique "professionnel" et non chirurgien. En ce sens, Jérôme Cahuzac ne peut pas représenter un cas exemplaire de formation des élites. Le risque dans cette affaire est donc d'aboutir à un contresens complet : au nom du conflit d’intérêt, on évincerait les professionnels du secteur privé du gouvernement et de la représentation nationale.

Or, les fonctionnaires sont déjà sur-représentés au parlement et au gouvernement. L'affaire Cahuzac est donc l'arbre qui cache la forêt et pourrait conduire à la plus mauvaise mesure possible : éliminer définitivement les avocats, les chirurgiens, mais aussi les entrepreneurs, les ouvriers et les agriculteurs, voire les journalistes de la représentation nationale. En tant que fonctionnaire, je n'ai aucune difficulté sur le plan professionnel si je veux devenir député : dans le pire des cas - et encore, étant dans l'enseignement supérieur je peux "cumuler" mandat et travail - je me mets en disponibilité et dans cinq ans je retrouve mon poste de professeur. En revanche, je ne suis pas sûr qu'un avocat ou un entrepreneur retrouve sa clientèle ! Ou un journaliste sa rédaction et ses lecteurs...Bruno Le Maire est l'un des rares, sinon le seul à mettre le doigt sur le problème et à en tirer les conséquences pour lui-même en démissionnant de la fonction publique, dont il est pourtant l'un des fleurons. Il se heurte, et pour cause, à un silence assourdissant, y compris à droite.

Le gouvernement et le parlement actuel sont typiques d'une sur-fonctionnarisation des élites politiques. On parle toujours de la parité homme/femme, mais jamais de la parité privé/public. Or, avoir une certaine diversité dans les parcours et les expériences professionnels me paraît au moins aussi important qu'avoir des représentants de sexe différent. Il y a davantage un problème de sélection des élites que de formation des élites.

William Genieys : Précisons tout d’abord que par sa trajectoire professionnelle de chirurgien Jérôme Cahuzac ne sort pas du sérail des grandes écoles à la française. Le milieu médical véhicule un rapport particulier à l’argent car il s’agit d’un secteur d’activité professionnelle relativement rentable. Dans son cas le problème est inverse dans la mesure ou il passe d’une activité très lucrative à celle de professionnel de la politique qui l’est beaucoup moins. C’est certainement la mauvaise gestion de cette contradiction qui l’a amené là où il en est.

La question de la moralisation politique au regard de la formation des élites politiques renvoie à plusieurs problèmes qu’il convient de sérier. Tout d’abord, la question de la formation des élites par le système français des grandes écoles qui, il est bon de le rappeler ne font pas toutes de la politique, et celle de la majorité des élus politiques qui n’en sont pas le produit. Les un comme les autres, mais pas plus les un que les autres, développent des rapports à la carrière politique et aux bénéfices que l’on peut en tirer relativement différent.

Si l’on veut bien comprendre les origines lointaines du problème de l’élitisme à la française, il faut avoir en tête que la France reste un pays fondamentalement catholique et autoritaire. Les relations politiques y sont pensées de manières verticales et la laïcité n’a rien changé à cela. Les élites ne sont pas des "primus inter pares" mais considérées comme de "nature" différente (supérieure) et doivent garder un certain mystère vis-à-vis de leurs concitoyens. Le système des Grandes écoles opérant alors le tour de magie permettant cette transcendance. Dans les sociétés à dominante protestante comme Michael Walzer, l’a montré il y a une véritable coupure avec l’au-delà qui conforte une vision plus horizontale et utilitaire des relations politiques. S’affirme ainsi l’idée que la société existe indépendamment de la sphère politico-religieuse. Les gouvernants ne sont là que pour accompagner la vie sociale, et non pour lui imposer autoritairement des règles de fonctionnement. Il s’agissait là du point de départ d’une inversion des rapports entre gouvernants et gouvernés qui ne sont plus fondés sur la notion d’obéissance aveugle des gouvernés aux gouvernants, mais plutôt sur la soumission de l’activité des gouvernants aux impératifs des gouvernés. La France ne semble toujours pas avoir intégré cette logique horizontale des relations politiques.
Quels en sont les principaux travers ?

Éric Verhaeghe : Chacun connaît l'arrogance aristocratique qui caractérise beaucoup de membres des élites françaises, et généralement les plus brillants d'entre eux. On se sent puissant et tout est fait pour nourrir ce sentiment, donc on n'a de cesse de faire l'épreuve de cette supériorité en méprisant les citoyens. Cela s'appelle de la morgue. Je me souviens par exemple d'un chef de cabinet de ministre qui se faisait accompagner d'un chauffeur pour faire ses courses au Bon Marché. Un autre faisait conduire sa fille de 5 ans par un chauffeur avec une limousine du ministre. Ces petits marquis, qui sévissent sous la droite comme sous la gauche, concentrent la quintessence du vice qui mine les élites françaises: le détournement du pouvoir à des fins personnelles, aiguisé par la jouissance d'une infinie supériorité sur le commun des mortels.

Ces travers finissent dans deux vices dont le gouvernement actuel fait la douloureuse expérience.

Premier vice : le sentiment d'impunité. On peut tout se permettre, car le secret qui pèse sur le pouvoir permet de dissimuler toutes les turpitudes. La fraude fiscale des ministres en est une illustration. Mais on ne parle pas assez de toutes les petites dissimulations qui entachent aujourd'hui la vie démocratique, à tous les étages des bureaux, et même des juridictions.

Deuxième vice : la surdité. Les élites qui peuplent les bancs de la décision publique ont décrété qu'elles savaient tout et n'avaient plus grand chose à apprendre de la parole citoyenne. C'est une vraie lacune en termes démocratiques: les décisions qui sont prises sont élaborées après de pseudo-concertations, où chacun s'exprime sans être entendu. Il faudrait que l'on abandonne la manie des concertations pour entrer dans l'ère de la délibération. Un bon projet est un projet délibéré: c'est-à-dire où les avis les plus raisonnables et les plus utiles ont été pris en compte.

William Genieys : : Partant de là, on comprend mieux comment le système des Grandes écoles entretient, et peut-être malgré lui, une coupure entre les élites et la société civile. La tradition républicaine héritée de la Troisième République à prétendu faire tombé ces barrières en mettant au cœur de son idéologie l’ascension sociale par l’école, en fait par les grandes écoles. On sait aujourd’hui que si ce système a permis le renouvellement si l’on regarde sur la longue durée d’une partie de la classe politique, il a également conduit à la formation d’une élite d’État très encline à se reproduire dans les positions de pouvoir qu’elle occupe. Et la problématique ne concerne pas les seules activités politiques mais également l’ensemble des secteurs de l’activité sociale et économiques qui en France sont toujours gérés par l’État malgré sa décontraction et la décentralisation.

Quel rôle joue notre tradition jacobine particulièrement centralisatrice ?

Éric Verhaeghe : Je vous trouve injuste avec les Jacobins, qui ne sont pas tous des centralisateurs. Rappelons nous que les Girondins, précurseurs de la décentralisation, étaient généralement inscrits au club des Jacobins. Je placerais plus volontiers la tradition centralisatrice dans l'Ancien Régime. Après tout, c'est quand même Louis XIV qui a structuré une fonction publique sur l'ensemble du territoire, qui concurrençait les féodaux locaux. C'est aussi lui qui a regroupé à Versailles l'armée des flagorneurs et des thuriféraires qui s'est appelée la Cour.

Notre sujet d'aujourd'hui n'a pas changé: la Cour, qui sévit à Paris, sévissait à Versailles il y a trois siècles. Les noms ont changé. Ils s'embarrassent de moins de particules. Mais les esprits sont les mêmes: être vu par le Roi, être reçu par lui, côtoyer les puissants, à n'importe quel prix. Se rouler dans la fange pour pouvoir parler d'une personnalité en l'appelant par son prénom. Citer dix noms connus dans une conversation. Ces manies grotesques sont devenues notre principe de gouvernement, et pendant ce temps Paris n'a jamais compté autant de gens qui dorment sur le trottoir, y compris avec des enfants.

William Genieys : : La tradition centralisatrice à la française est partie prenante de ce phénomène car même si certaines écoles ont été délocalisées le référant jacobin reste. Aucune des Grandes écoles n’est concurrencée directement sur son domaine de prédilection alors qu’en Suisse l’École Polytechnique de Lausanne est en compétition avec celle de Zurich, qu’au Royaume-Uni Oxford est en concurrence avec Cambridge, voire Kings College ou encore la London School of Economics, quand aux États-Unis ce n’est même pas la peine d’en parler.

Sur la question de l’homogénéité sociale beaucoup de recherches montrent qu’elle est forte, et je veux bien le croire, mais ce qui me pose également un problème c’est la question de l’échelle de ces écoles et de leur ouverture sur le monde dans tous les sens du termes, c’est à dire social, ce qui les entourent en France, et, dans le monde global. En effet, l’élitisme à la française se traduit in fine par une logique de distinction sociale tellement intégrée que certains d’entre eux se sentent obligés de revendiquer leur normalité.
Le milieu social et culturel des étudiants dans les Grandes écoles est-il totalement  homogène ?  Peut-on parler de "consanguinité" ? Quels en sont les conséquences concrètes ?

Éric Verhaeghe : La réponse est évidemment oui : depuis trente ans, l'hétérogénéité sociale des grandes écoles ne cesse de reculer. Je me souviens que, lorsque j'étais membre du conseil d'administration de l'ENA, j'avais rédigé un memorandum pour la démocratisation de l'école qui avait suscité beaucoup de ricanements, y compris chez un certain nombre de camarades qui peuplent les cabinets de gauche. L'ENA s'est complue dans un rétrécissement grandissant de son recrutement.

Les conséquences concrètes de ce mépris pour la diversité sont évidentes: le pouvoir s'emmure dans ses certitudes plates, qui, dans un monde aussi mouvant que le nôtre, deviennent autant de boulets que la nation doit tirer avec peine derrière elle. Là où il faudrait élargir les talents, les idées et les horizons, on rétrécit les vues, les recrutements et les parts de gâteau. Jamais depuis 1789, à part peut-être dans les années 30, les élites françaises n'ont eu si peu d'idées sur l'avenir du pays et sur la façon d'y arriver.

Vous parlez de consanguinité, le mot me paraît bien choisi. Plus que jamais les élites françaises sont dans l'entre-soi et le contentement d'elles-mêmes. De ce point de vue, Sciences-Po et quelques grands lycées parisiens jouent un rôle dévastateur de filtre et de tamis. L'obsession commune de cette caste est de préserver, et même d'accroître ses privilèges, sans aucune attention pour l'intérêt général. Il serait utile de connaître l'augmentation moyenne de rémunération, tous éléments confondus, depuis 5 ans, du 1% des fonctionnaires les mieux payés. Les Français seraient sans doute heureux d'apprendre que certains ont fait des bonds de plus de 50% dans la fonction publique, quand les salariés du privé ont été durement frappés.

Christophe de Voogd : On peut parler de consanguinité dans tous les sens du terme. On a rarement atteint un tel degré de concentration du pouvoir car il ne s'agit plus seulement de l'ENA (École Nationale d'Administration) mais d'une seule et même promotion au sein de l'ENA : la promotion Voltaire qui était celle de François Hollande. On peut donc parler de "concentration sociologique intense": en termes plus simples, il s'agit d'un clan. Au-delà, c'est tout le problème de la relation haute fonction publique/politique économie. C'est un vieux thème français qui remonte au colbertisme.La France est un pays totalement schizophrénique au niveau de la formation. Elle a un discours hyper-égalitariste au niveau de l'enseignement général et un système hyper sélectif et homogène de formation de ces élites. C'est exactement ce qu'écrivait Pierre Bourdieu dans La Noblesse d'Etat. Les grandes écoles ont d'énormes qualités, mais on pourrait envisager de les transformer en schools à l'américaine, c'est à dire de le faire intervenir dans la formation universitaire comme écoles professionnalisantes. Ce serait une manière de desserrer notre système et d'admettre enfin la sélection à l'université.
Quelle est la puissance des réseaux qui se forment dans les Grandes écoles ?

Éric Verhaeghe : D'abord celui de fonctionner comme des écuries. On entre dans une écurie, et l'écurie vous porte durant votre carrière. Les réseaux ne se limitent d'ailleurs pas aux Grandes écoles. Ils sont fréquemment corporatistes, syndicaux, politiques ou philosophiques, parfois même confessionnels. Encore plus fréquemment, l'appartenance à plusieurs réseaux en même temps est très utile. Par exemple, il est bien d'être polytechnicien. Mais polytechnicien et énarque c'est mieux. Polytechnicien, énarque et inspecteur général des finances est évidemment un plus. Mais le must est de fréquenter la bonne paroisse, le bon temple, la bonne synagogue (l'exemple des mosquées est ici encore trop peu répandu).

Ensuite, le réseau vous apporte de belles protections. Quand vous trébuchez, le réseau vous rattrape par le bras et vous évite de tomber.

Vous mesurez instantanément le renoncement à la liberté d'esprit que ce système exige.

Christophe de Voogd : Il y a incontestablement une endogamie et une consanguinité sociologique. Montesquieu et Marx sont d'accord sur ce point : il ne faut pas s'attendre à ce qu'un organisme, quel qu'il soit, s'auto-contrôle;. Dans un réflexe rousseauiste ou robespierriste de recherche de la vertu, l'affaire Cahuzac devient une affaire de "transparence". Pourtant il ne s'agit pas d'un problème de transparence, mais de contrôle et de contre-pouvoir. Retenons la leçon de Montesquieu : "Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir." Il faut donc mettre en place des "checks and balances", comme disent les Américains qui sont les vrais disciples de Montesquieu. Nul n'est prophète en son pays!.

William Genieys : : Il est certain que les Grandes écoles génèrent des réseaux mais cela au fond on ne peut pas leur reprocher car c’est un atout pour la professionnalisation des étudiants. Cela devient un problème quand le réseaux alimentent un jeu de coterie pour la distribution des postes à responsabilité au sein des administrations de l’État, voire dans la direction des grandes entreprises. Le problème c’est qu’il est très complexe d’évaluer quand les réseaux ont des effets "nobles" et quand ils servent des finalités "spoliatrice". En effet, penser nos sociétés complexes et institutionnalisée sans réseaux est une contradiction in adjecto. C’est peut être le programme de la future loi de moralisation de la vie politique.

La suppression des grandes écoles est improbable en France car cela conduirait pour les dirigeant à scier la "branche sur laquelle ils sont assis", et comme nous sommes pas un pays du "grand soir"… Par contre, il est souhaitable pour de nombreuse raison qu’elle soit intégrer dans les universités qui retrouverait leur finalité historique de formation des élites dans un univers social plus ouvert. Elles permettraient également la fin d’une partition entre des élèves d’écoles sur sélectionnés et sur encadré et des étudiants sous encadré et "surdiplômé" avec des diplômes qui ont de plus en plus la valeur de monnaies anciennes.

Finalement, le système des Grandes écoles est souvent accusé de formater une élite qui finit par ne servir qu'elle-même. Comment y remédier vraiment ? Faut-il casser le moule ?

Éric Verhaeghe : Je généraliserais moins que vous, mais je pense que nous sommes au bout d'un cycle. En 1945, les Grandes écoles ont assuré une ouverture dans le recrutement des élites. Cette ouverture a duré une grosse vingtaine d'années. Assez paradoxalement, Mai 68 a sonné le glas de l'égalité des chances, et la diversité dans les élites est en constant recul depuis cette époque. Nous en payons le prix fort aujourd'hui.

Il faut probablement changer de paradigme. Réinventer notre système de recrutement des élites, en donnant un grand coup de pied dans la fourmilière. Ce travail doit intégrer une réflexion sur les valeurs que nous attendons de l'élite de demain: l'innovation, la collaboration, la prise de risque, la responsabilité individuelle.

Christophe de Voogd : La politique mise en place à Science-Po va dans le bon sens, celui de la diversification sociologique qui est la clef de tout : allonger les cursus, multiplier les voies d'admission, diversifier l'origine sociale des élèves et internationaliser le recrutement. Durant la vie professionnelle, il faut ensuite instaurer un fluidité entre les différents secteur privé/public.
Si on part du principe que le sentiment d'impunité des élites publiques est avant tout un problème culturel, quelles mesures se révèleraient réellement efficaces ?

Éric Verhaeghe : Il y a des mesures pour aujourd'hui et pour demain.

Pour préparer l'avenir, il faut sans doute prendre acte de la faillite du système éducatif. Pour en sortir, il faut une rénovation en profondeur, qui revienne sur l'application du statut aux enseignants et la mise en place du chèque scolaire. Pourquoi forcer un Français à payer pour l'école de son quartier si elle est nulle? Pourquoi ne pas lui donner un chèque qui lui permettra d'inscrire son enfant dans l'école de son choix, où travailleront des enseignants dont il maîtrise le mode de recrutement ?

Ce bouleversement dans la formation des élèves donnera un tout autre visage à l'élite de demain, et l'on peut parier sur le fait que des talents nouveaux et méritants émergeront enfin, loin du ricanement des beaux quartiers pour tous ceux qui mangent avec leur couteau dans la main gauche et n'ont pas lu la comtesse de Ségur dans leur enfance.

Pour aujourd'hui, il faut des mesures simples qui permettront de purger les élites. D'abord, rémunérer les hauts fonctionnaires sur les économies qu'ils permettent dans les services qu'ils dirigent, dans le respect de la qualité, bien entendu. Les hauts fonctionnaires qui ne ramènent pas les budgets dont ils ont la responsabilité à l'équilibre doivent être licenciés.

Cette mesure, j'en suis convaincu, changerait fortement la donne.

William Geynies : La limitation du cumul des mandats y compris dans le temps est quelques chose de très vertueux car de fait il conduirait à un renouvellement régulier est plus fort des professionnels de la politique qui en France ont tendance à jouer la carte de carrière de longue durée. Par contre, un tel dispositif ne peut être mis place que s’il est accompagné d’une forte mobilité professionnelle de la technocratie à l’intérieur et à l’extérieur de l’État. Sinon, l’argument du gouvernement des hauts fonctionnaires dotés du savoir sur les politiques publiques face à des élus politiques éphémères jouerait à fond. Mais au fond, il y a un débat qui n’a pas été abordé avec l’affaire Cahuzac qui est la rémunération des hommes politiques tant il est considéré qu’ils sont trop payés. Je ne suis pas sur que ce soit le cas.
Christophe de Voogd : Il faut remettre en cause la distinction très française entre droit administratif et droit privé. Encore une schizophrénie française ! L'administration se juge elle-même, c'est un vrai problème structurel. Il faut donc généraliser les règles de droit privé et pas seulement dans le domaine pénal. Vaste chantier !


La magistrale leçon d'économie de George Soros à Angela Merkel

"L'Allemagne a le choix entre les euro-bonds et quitter la zone euro", c'est par ces mots que le milliardaire George Soros s'est invité dans la campagne électorale allemande lors d'une sévère leçon d'économie à l'adresse de l'Allemagne d'Angela Merkel, la favorite de l'opinion publique. Revue du discours prononcé à Francfort devant un parterre d'acteurs économiques et financiers allemands. 
C'est un pavé dans la marre qu'est venu jeter mardi soir le milliardaire George Soros lors d'un discours fleuve au Centre d'études financières de Francfort en Allemagne. Selon lui, le problème de la zone euro vient du manque de leadership de l'Allemagne qui doit choisir, selon lui, entre accepter les euro-bonds et quitter la zone euro. Un point de vue détonnant pour des oreilles allemandes peu habituées à recevoir des leçons d'économie sur leurs terres, qui plus est par un Américain. Le moment n'est pas anodin, alors que les élections fédérales auront lieu en septembre et que l'opposant social démocrate à Angela Merkel, Peer Steinbrück, s'était dit favorable en août à la mise en place des euro-bonds. George Soros espère de la sorte peser sur les débats électoraux allemands. Le financier reconverti dans la philanthropie se défend de vouloir "faire le procès de l'Allemagne". Selon lui, elle seule "est en capacité de régler la situation".


L'union monétaire incomplète à l'origine de tous les maux

Pour George Soros, les origines de la crise sont à rechercher dans l'Histoire et dans l'incomplétude du Traité de Maastricht. "Les architectes de l'euro reconnaissaient qu'il y avait là une construction incomplète : une union monétaire sans union politique", explique-t-il. S'ajoute à cela la création d'une banque centrale indépendante qui a fait s'endetter les États dans une monnaie qu'ils ne contrôlaient pas, les exposant ainsi au risque de défaut. Car, rappelle George Soros, la maîtrise de la création monétaire par un État est ce qui rend son défaut impossible.

Jusqu'en 2007, les marchés financiers n'en avaient pas conscience et les obligations étatiques étaient considérées comme égales et sans risque. Les différentiels de taux entre les États avaient pratiquement disparu, dopant les achats d'obligations des États les plus "faibles" par les banques commerciales.

Il a fallu attendre 2009 et la révélation de l'ampleur du déficit grec pour que les marchés financiers se rendent compte des malfaçons de l'euro. "Les marchés ont ainsi, par vengeance, rehaussé les primes de risque à l'égard des États les plus fragiles. Ceci a rendu potentiellement insolvables les banques commerciales dont les bilans étaient remplis de telles obligations (ndlr, celles des États dits périphériques) et engendra à la fois une crise de la dette souveraine et une crise bancaire," explique George Soros. Le risque de défaut qui s'est mis à planer sur les pays emprunteurs périphériques les a relégués au même rang que les pays du Tiers Monde sur les marchés financiers.

L'échec de la méthode allemande reposant sur la "Schuld"

Selon lui, la principale erreur de l'Allemagne réside dans sa manière d'appréhender cette crise. Comme le Fonds monétaire international (FMI) lors de la crise bancaire internationale de 1982, l'Allemagne identifie des États non vertueux "responsables". "Les États périphériques se voient reprocher leur manque de discipline budgétaire et d'éthique du travail, mais cela ne suffit pas. Il est certes nécessaire que les États de la périphérie procèdent à des réformes structurelles, comme le fit l'Allemagne après sa réunification. Pour autant, ignorer que l'euro lui-même présente des problèmes structurels qui doivent être corrigés revient à ignorer la cause profonde de la crise de l'euro", explique le milliardaire.

Ainsi ne faut-il pas y voir un discours contre les réformes structurelles demandées à un pays comme la Grèce. Ce qu'il dénonce est le fait de ne voir la résolution de la crise de la zone euro que par le seul prisme de l'austérité budgétaire. Pour George Soros, le fait que le terme allemand Schuld signifie à la fois dette, responsabilité et culpabilité, n'est pas anodin. "Son utilisation a rendu naturel pour l'opinion publique allemande le fait d'accuser les États lourdement endettés de leur propre infortune. Le fait que la Grèce ait manifestement violé les règles a contribué à cet état d'esprit. Or, (...) il fut un temps où l'Espagne était présentée comme un modèle de vertu", rappelle l'ancien financier.

Considérant les États en difficulté comme coupables et ne voulant pas, de manière "compréhensible" selon George Soros, être la tirelire de l'Europe, l'Allemagne se contente de rustines juste suffisantes pour éviter un éclatement de la zone euro. Le reste des efforts reposant sur les épaules des pays du sud par des politiques d'austérité. Ce qui, du fait des multiplicateurs keynesiens, ne fonctionne pas. En clair, cette théorie des multiplicateurs affirme que les effets de l'austérité sont dévastateurs pour les finances publiques, comme l'avait reconnu en octobre le FMI, car en réduisant l'activité économique, elle réduit par la même les rentrées fiscales. Et ainsi de suite...

Construire une union fédérale...

Pour l'heure, l'Allemagne est encore à l'abri de la dépression qui touche la zone euro car elle reste compétitive à l'international. "Je pense cependant que d'ici les élections, (elle) sera elle aussi entrée en récession, et cela dans la mesure où la politique monétaire menée par la zone euro est en total décalage avec celles des principales autres monnaies. Les acteurs extérieurs procèdent à un assouplissement quantitatif. (...) L'existence d'un yen plus faible, associé à la fébrilité de l'Europe, est vouée à affecter les exportations de l'Allemagne", prédit George Soros. Si ces prédictions se réalisent, la zone euro pedra son principal moteur économique. En février 2013, les exportations allemandes ont reculé en un mois de 2,8 %.

Ainsi l'Allemagne doit-elle prendre ses responsabilités, qu'elle s'est refusée à prendre jusque là, pour sortir l'Union monétaire du marasme. George Soros voit dans les euro-bonds la meilleure des solutions à une sortie de crise. "S'il était possible aux États qui se conforment au Pacte budgétaire de convertir l'intégralité de leur stock existant de dette étatique en euro-bonds (...). Le risque de défaut disparaîtrait (...). Les bilans des banques bénéficieraient d'un coup de fouet immédiat, de même que les budgets des États lourdement endettés, dans la mesure où le coût de l'amortissement de leurs stocks de dette étatique existants s'en trouverait réduit", prévoit l'ancien financier.

Quant à l'argument selon lequel une fois les euro-bonds introduits, il n'existerait aucune garantie qu'un État n'enfreigne les règles, il est balayé d'un revers de la main. "Dans ce cas, il serait pénalisé en voyant réduite la quantité d'euro-bonds qu'il lui serait permis d'émettre", le solde devant alors être emprunté par l'État en son nom propre à un coût élevé. Ce qui reviendrait de fait pour un État à concéder un peu plus de souveraineté à une autorité de contrôle des budgets stricte. "Aucun gouvernement ne pourrait résister à une telle pression", explique l'ancien financier. Ce que défend en fait l'américain, qui donne d'ailleurs comme exemple la construction des États-Unis d'Amérique, c'est tout simplement l'idée d'une Europe fédérale reposant sur une union monétaire, une union bancaire et une union politique.

... ou sortir de la zone euro, l'Allemagne doit choisir

L'alternative au choix d'une Europe fédérale a quant à elle de quoi surprendre les Allemands. Selon George Soros, si elle ne veut pas des euro-bonds, l'Allemagne doit tout bonnement sortir de la zone euro. Ce point de vue, défendu par un certain nombre d'économistes, repose sur l'idée selon laquelle sans l'Allemagne, l'euro se déprécierait de lui même, faisant regagner les économies en difficulté en compétitivité, sans pour autant que leur dette libellée en euros ne devienne insoutenable, comme ce serait le cas si l'Italie ou l'Espagne quittaient l'Union monétaire. "En cas de départ de l'Italie, la charge de la dette du pays libellée en euro deviendrait écrasante, et il serait nécessaire de procéder à une restructuration. Ceci plongerait le reste de l'Europe, ainsi que le reste du monde, dans un effondrement financier, qui pourrait bien dépasser la capacité des autorités monétaires à le contenir", argumente George Soros.

Faute de choix, le risque est que la situation négative ne perdure dans le sud de l'Europe et que la croissance allemande ne s'essouffle effectivement. Ce qui ferait s'élever la facture à des montants de plus en plus élevés pour tout le monde, dont l'Allemagne, qui serait alors de moins en moins en mesure de jouer à la fois les moteurs économiques et les garants de l'union monétaire. 

Hollande, tête de turc des hebdos

 Le «Hollande bashing» continue. Empêtré dans l'affaire Cahuzac, au plus bas de sa popularité et confronté à une crise économique majeure, François Hollande fait cette semaine la couverture de deux hebdomadaires, «Le Point» et «L'Express». Deux couvertures cinglantes : pour «L'Express», le président est «Monsieur faible», tandis que «Le Point» se demande «Pépère» est à la hauteur.
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Le président avait déjà connu un traitement de choc durant l'été et la rentrée 2012, quelques mois après son élection. Début septembre, les lecteurs avaient ainsi eu droit à un festival : «Sont-ils si nuls ?», titrait dans son propre camp le «Nouvel Observateur» à propos de Hollande et de son gouvernement. «L'Express» posait même la question fatale : «Et si Sarkozy avait eu raison ? »


Les couvertures n'étaient pas plus tendres avant l'élection : «Va t-il perdre ?», s'était demandé «L'Express» en avril. «Bonjour les ennuis», avait prédit au même emplacement «Le Point» alors qu'Hollande n'était que le favori de l'élection. La suite n'aura été qu'une confirmation. Hollande à peine intronisé, «l'Express» était le premier à torpiller Valérie Trierweiler, longtemps avant l'épisode du tweet maudit («En fait -elle trop ?»). Quelques semaines plus tard, le titre était encore plus méchant («Qui est le chef ? », barrant une photo du couple présidentiel). «Le Point», lui aussi, avait sonné prématurément la fin de la récré («Fini de rire») dès les premiers jours de la présidence Hollande, avec une couverture tournant le président en ridicule avec sa montre sens dessus dessous.

François Hollande, Monsieur Faible: la couverture de L'Express cette semaine

François Hollande, Monsieur Faible: la couverture de L'Express cette semaine


Les grands moralisateurs, ces néo-Khmers rouges !

Dans "Politique première" sur BFM TV, Anna Cabana s'emporte contre la "nouvelle moralité" censée illuminer une République exemplaire. 

BFM TV : Anna, ce matin, vous avez envie de pousser un coup de gueule. Un coup de gueule contre la course à la vertu...

Anna Cabana : On n'entend qu'eux, ces jours-ci, les grands moralisateurs, les chantres de l'épuration, les nouveaux Robespierre, voire les néo-Khmers rouges. Si on les écoute, on doit accepter en souriant d'entrer dans l'ère de la vertu et de la probité, une ère où les hommes politiques dévoilent leurs revenus dans la transparence la plus absolue et où une "nouvelle moralité" est censée illuminer une République exemplaire. Ça mérite d'y regarder d'un tout petit peu plus près. Prenons l'exemple de Bruno Le Maire, le talentueux député UMP de l'Eure qui fait partie des quelques-uns, à droite, pouvant se rêver en présidentiable. Hé bien, Bruno Le Maire a voulu, comme Laurent Wauquiez et d'autres, se poser en héros de cette "nouvelle moralité", et donc il a mis en ligne lundi sur son site internet sa déclaration de patrimoine. Le peuple lui en est-il reconnaissant ? Quand on lit les commentaires, on peut légèrement en douter... Les internautes se divisent en deux catégories. Il y a ceux qui hurlent au mensonge, comme cette dame du Pays basque qui a travaillé dans l'immobilier et qui écrit : "Que 600 000 euros, la vieille ferme basque ? C'est une ruine alors ? Ou alors il n'y a aucun terrain ! Les vieilles fermes valent plus ! Il aurait mieux valu ne rien déclarer plutôt que de nous prendre pour des jambons !" Sic. Beaucoup de commentaires vont dans ce sens-là.

Et les autres ?



Figurez-vous que ceux qui ne reprochent pas à Le Maire de mentir lui reprochent d'être un mauvais gestionnaire, comme ce monsieur qui écrit : "Si un élu n'a pas réussi à se constituer un patrimoine, c'est qu'il gère mal ses finances et donc aussi les deniers publics. Il ne mérite pas ma voix." Bref, il n'y a quasiment QUE des mécontents. La troisième et dernière catégorie de mécontents - dont je suis - sont ceux qui ne comprennent pas pourquoi Bruno Le Maire participe à ce grand déballage. "Il n'y a qu'une victoire : celle du populisme !, écrit François. Vous méritez mieux !" Sylvie ne dit pas autre chose : "M. Le Maire, pourquoi entrer dans ce jeu de dupes ? Celui du je dévoile mon patrimoine donc je suis honnête ? [...] bien évidemment ledit patrimoine ne doit pas être trop conséquent sous peine de vous voir pointer du doigt comme étant un sale riche. Comme si pour être honnête il fallait obligatoirement être pauvre." C'est en effet le diktat du moment, avec des imprécateurs munis de tondeuse à riches. Et qui sont prêts à tout, à l'abri de leur bonne conscience et de leurs bonnes intentions - dont l'enfer est pavé.

Prêts à tout ? Vous n'exagérez pas un peu ?

Hier matin, sur BFM TV, je n'ai pas rêvé : on a quand même entendu un député socialiste, le dénommé Yann Galut, déclarer que tout était bon pour lutter contre la fraude fiscale, y compris la délation. La fin justifie les moyens. La délation. Voilà où nous en sommes, Christophe. Qui sont les gagnants ? Ni le socialiste Yann Galut, ni son collègue de l'UMP Bruno Le Maire, ni les partis qu'ils représentent, ni la démocratie.

10 leçons apprises de Margaret Thatcher

L’ère Thatcher est une histoire extraordinaire de changement à propos d’un pays qui arrive à se sauver lui-même au sein d’un monde turbulent.


Margaret Thatcher nous a laissé un héritage influent. Elle fut la personne ayant le plus longtemps occupé le poste de premier ministre britannique au cours du 20e siècle et a donc eu onze ans et demi pour accomplir son travail. Mais quel travail !

  • Elle a tenu tête au mouvement syndical en entier, l’a ramené sous le régime de la primauté du droit et l’a redonné à ses membres.
  • Elle a transformé la perspective du pays quant aux avantages d’une économie de marché.
  • Elle a privatisé des industries clés au sein de l’économie, ce qui a amélioré radicalement leur sort et a provoqué un mouvement d’imitation à l’échelle mondiale.
  • Elle nous a appris la nécessité de faire preuve de prudence sur le plan monétaire afin de maintenir l’inflation à un faible niveau.
  • Elle a permis à des millions de personnes de devenir indépendantes des administrations locales en leur donnant un droit d’achat de leur logement social.
  • Elle a permis aux Britanniques de garder la tête haute en adoptant une approche de principe, ferme et robuste en matière de relations internationales.
  • Elle a amorcé le processus qui a mené à la paix en Irlande du Nord.
  • Elle a aidé Ronald Reagan à démanteler le rideau de fer sans un coup de feu et à détruire l’« Empire du mal ».
  • Elle a fait en sorte que tous les gouvernements britanniques à l’avenir devraient être bien plus favorables au capitalisme qu’ils ne l’avaient été avant 1979.
Aujourd’hui, trois décennies après son arrivée au pouvoir et deux après son départ, il est intéresser de se demander : que devra accomplir la prochaine ou le prochain « Thatcher » pour rivaliser avec elle ? Voici une liste de suggestions :
  • Déréglementer et mettre un terme au tsunami de nouveaux règlements.
  • Renégocier la situation du pays par rapport à l’Union européenne.
  • Combattre la criminalité.
  • Réformer le système de santé.
  • Améliorer la qualité de l’éducation.
  • Réduire le recours à l’aide sociale.
  • Équilibrer le budget.
Un futur Premier ministre qui atteindrait ces objectifs mériterait la même réputation que celle de Margaret Thatcher.
Laissez-moi essayer de résumer les dix leçons stratégiques que Margaret Thatcher m’a permis de développer.

1. Avant tout, Margaret Thatcher possédait une « boussole » personnelle très forte sur les plans moral et politique. Elle pouvait s’adresser à une salle remplie d’hommes puissants et déclarer simplement : « Je sais que c’est la bonne chose à faire, vous savez que c’est la bonne chose à faire, il reste seulement à déterminer comment y arriver. »
Il ne s’agissait pas tant du caractère autoritaire dépeint par les caricatures que d’une conviction absolue. Cela aidait à bâtir l’esprit d’équipe. Si le chef a une série de principes clairs, bien articulés et cohérents, les petits Indiens savent exactement quoi faire… s’ils désirent rester dans le wigwam.
Elle a déjà dit que « se discipliner à faire ce que vous savez juste et important, même si c’est difficile, est la voie royale vers la fierté, l’estime de soi et la satisfaction personnelle. » Une occasion d’appliquer cette philosophie s’est vite présentée à peine un an après son arrivée à Downing Street, en avril 1980. Un groupe de six terroristes iraniens a attaqué l’ambassade iranienne au centre de Londres, assiégé les lieux et pris 26 personnes en otage. Les terroristes ont réclamé la libération des prisonniers politiques en Iran. Thatcher a ordonné que les terroristes soient vaincus et a demandé la participation des forces spéciales du Special Air Service (SAS). L’affaire s’est étirée pendant près d’une semaine jusqu’à ce que les terroristes abattent soudainement un otage et jettent le corps par la porte d’entrée. Le Premier ministre a alors donné l’autorisation d’intervenir aux forces spéciales. En direct à la télévision, lors d’une heure de grande écoute, le pays a regardé les hommes du SAS descendre jusqu’aux fenêtres de la façade du bâtiment, jetant des grenades à percussion devant eux. Cinq des six terroristes ont été tués et 19 des 20 otages sauvés. Il n’y a eu aucun mort parmi les policiers ou les membres des forces spéciales.
2. Elle savait comment s’attaquer au cœur d’un enjeu, le simplifier et le communiquer, en écartant les sottises, les balivernes et les enjolivements frivoles. Plusieurs livres à propos d’elle ont été publiés et ils mentionnent tous une même chose : sa capacité de simplifier et de communiquer ses messages clairement et avec conviction. Je l’associe toujours à Newt Gingrich dans un sens, soit que ni l’un ni l’autre n’était du type « en ce moment-ci dans le temps », mais plutôt du type « maintenant ». De bons mots courts et anglo-saxons. Comme elle l’a déjà dit à mon ami Simon Jenkins : « Laissez-faire ? Laissez-faire ? Ne fais pas ton Français ! »
C’est une personne très brillante. Elle a étudié la chimie et travaillait comme chimiste industrielle avant d’étudier le droit et de pratiquer en droit fiscal et en droit des brevets. Mais en plus de son intelligence, elle avait le don de savoir simplifier et communiquer efficacement ses messages, allant au fond des choses et s’exprimant dans des mots simples qui avaient du sens.
Certains affirment cruellement qu’elle n’a jamais eu d’idée originale de son propre chef. Ces gens sous-estiment sa capacité de synthèse.
3. Elle dirigeait et s’attendait à beaucoup de la part de ceux qui l’entouraient, mais elle savait aussi écouter. Peu après l’élection générale de 1987, un député conservateur nouvellement élu marchait dans la Chambre des communes et a soudainement observé un vieil ami. Ce dernier avait été élu en 1983 et était désormais un ministre « junior ». Il courait, littéralement, échevelé et transportant non seulement sa mallette et une boîte, mais aussi un paquet de feuilles.
« Prends ton temps », lui dit le nouveau député. « Rome ne s’est pas construite en un jour. »
« En effet », cria le jeune ministre par-dessus son épaule. « Mais Margaret Thatcher n’était pas le contremaître sur ce chantier. »
C’est une histoire vraie. La suite est 100 % non authentique, mais est tout de même instructive.
L’histoire veut qu’en 1989, son cabinet et les membres haut placés de son personnel aient organisé un souper privé à l’occasion du 10e anniversaire de son élection comme premier ministre. Au Café Royal, Margaret Thatcher était assise au bout de la table avec environ 20 hommes en complet de chaque côté. Un serveur entre dans la salle et se dirige vers elle :
Serveur : Madame le premier ministre, voudriez-vous un apéro ?
Mme Thatcher : Cocktail de crevettes, s.v.p.
Serveur : Comme repas principal ?
Mme Thatcher : Un steak s.v.p.
Serveur : Quel genre de steak ?
Mme Thatcher : Une escalope, s.v.p.
Serveur : Quelle cuisson ?
Mme Thatcher : Saignant, s.v.p.
Serveur : Désirez-vous des pommes de terre ?
Mme Thatcher : Rôties, s.v.p.
Serveur : Et pour les légumes ?
Mme Thatcher : Oh, ils prendront du steak également !

Il s’agissait de la perception qu’on avait d’elle, dans ce cas fondée sur l’émission de télévision satirique Spitting Image. En réalité, elle était plus attentive à ce qu’on lui disait que ce qu’on reconnaît généralement. Elle écoutait surtout ses ministres et ses bonnes idées ne vinrent pas toutes de ses collègues « de droite », comme dans le cas de la vente des logements sociaux qui vint de collègues à sa gauche comme Peter Walker et Michael Heseltine. Et elle ne fut pas toujours radicalement en faveur du libre marché même si c’est souvent ainsi qu’on la dépeint aujourd’hui. Elle craignait les effets de l’abolition du contrôle des changes, hésitait à propos de la vente au rabais des logements sociaux de peur que les citoyens ayant déjà accédé à la propriété se rebellent, et certaines privatisations la rendaient un peu nerveuse.
Un autre aspect de sa vision du leadership est révélé dans cette citation : « Je gardais un contrôle personnel sur les décisions ayant trait à l’Initiative de défense stratégique et à notre réaction face à celle-ci… Je fus aussi passionnément intéressée par les développements techniques et les implications stratégiques. Il s’agissait d’un de ces domaines qui nécessitaient une solide compréhension des concepts scientifiques en jeu afin de prendre les bonnes décisions de politiques. On ne pouvait se fier ni sur les généralistes désinvoltes du ministère des Affaires étrangères, ni sur les esprits brouillons qui les supervisaient. Contrairement à eux, je me trouvais dans mon élément. »
4. Elle favorisait des politiques qui « flattaient la nature humaine dans le sens du poil » plutôt que le contraire. Elle a déjà dit que « le capitalisme populaire n’est rien de moins qu’une croisade pour libérer la majorité dans le cadre de la vie économique du pays. Nous, les conservateurs, redonnons le pouvoir au peuple. »
Prenons les logements sociaux, par exemple. À la fin des années 1970, je lui ai conseillé de les donner aux locataires actuels. Postez-leur les titres de propriété, dis-je. « Non », répondit-elle, « les gens ne les valoriseront pas à moins qu’ils paient quelque chose en échange ». Quelques années plus tard, elle a mis en place le droit d’achat. Cette mesure a donné à tous les locataires de logements sociaux un rabais de 33% à l’achat, plus 1% pour chaque année de location, jusqu’à un maximum de 50% de la juste valeur marchande du logement. L’accession à la propriété a explosé : près de trois millions de logements ont été transférés en vertu de ce programme. Même chose pour les privatisations, les actions des anciennes sociétés d’État ayant été distribuées très largement et ayant rapidement pris de la valeur.
Le taux d’actionnariat parmi la population en général est passé de 7 à 23%. Parmi les syndiqués, la proportion est passée de 6 à 29%. Toutes les grandes privatisations comprenaient des offres spéciales pour le personnel, ce qui explique la hausse disproportionnée chez les syndiqués.
Chacune fut différente, mais afin de contrer l’opposition et de générer des réactions globalement positives, elles comprenaient : des offres d’actions gratuites ; des programmes de récompense (« achetez-en une et recevez-en une autre gratuitement ») ; des programmes qui réservaient une certaine proportion des actions pour le personnel et les retraités de l’entreprise ; des rabais ; des incitations à conserver les actions à long terme ; et aucune limite au nombre d’actions préférentielles pouvant être achetées (sauf une exception).
De 19 à 99% des employés ont acheté des actions, dépendamment de la société d’État privatisée. Cette proportion, comme on pouvait s’y attendre, fut fortement proportionnelle à la générosité de l’offre.
5. Beaucoup de réflexion stratégique a été effectuée longtemps à l’avance.
Ted Heath, lors de sa confrontation hivernale avec les mineurs en 1973-1974, a été mis au pied du mur en raison d’un manque de réserves de charbon. Il ne restait pas assez de charbon pour que l’industrie puisse fonctionner plus de trois jours par semaine. Étrangement (pour certains), la production globale n’a pas diminué, ce qui montre le manque d’efficacité du secteur industriel. Thatcher a accumulé des réserves très importantes de charbon avant de s’attaquer aux mineurs.
Prenez aussi l’exemple de la suspension du contrôle des changes. Guidé par une publication de l’Institute of Economic Affairs (IEA), Geoffrey Howe, le chancelier, a découvert qu’il n’avait pas besoin de l’approbation du Parlement. Il a donc décidé de le suspendre, tout simplement.
6. Elle pouvait compter sur les talents de gens intelligents, dévoués et engagés. Lord Donoghue avait l’habitude de souligner dans ses cours à la LSE que le Parti conservateur était le « parti stupide ». Il y avait un fond de vérité dans cette remarque – un fond. Mais les conservateurs devenaient rapidement « infectés » par des idées et des intellectuels. Par exemple, des idées de l’IEA : « les marchés fonctionnent – les gouvernements échouent », les réformes du marché du travail ; les privatisations et le combat contre l’inflation.
Pendant ce temps, des intellectuels – de l’industrie (John Hoskyns), du milieu universitaire (Alan Walters) et des jeunes hommes provenant des universités comme Peter Lilley, John Redwood, Michael Forsyth, David Davis et Michael Portillo – changeaient le visage du Parti conservateur.
Un parti qui dans les années d’après-guerre avait accepté le « butskellisme » (une forme modérée de socialisme qu’on appelle parfois la « troisième voie ») avait trouvé en Mme Thatcher sa base intellectuelle. Comme elle l’a dit elle-même, « se tenir entre deux voies est très dangereux, vous risquez d’être happé par la circulation des deux côtés. »
7. L’impression de se trouver dans le train de la dernière chance était très forte. L’hiver 1978-1979 avait été terrible. Mme Thatcher elle-même le reconnaissait : « Peu de gens en Grande-Bretagne n’ont pas senti que notre société était malade – moralement, socialement et économiquement. Monsieur Bill Dunn, dirigeant syndical, a bien exprimé l’esprit qui régnait en janvier 1979, quand il affirma, à propos des exigences salariales des ambulanciers : Si des vies doivent être perdues, eh bien c’est ainsi que les choses doivent être. »
Des grèves éclataient à profusion. Les montagnes de déchets s’accumulaient et on n’enterrait plus les défunts. Soit nous agissions maintenant, soit nous devenions, par exemple, la nouvelle Argentine – un pays autrefois prospère devenu taré. Et la quasi-totalité des économistes s’opposaient à elle.
Le pays avait besoin d’un redressement majeur – justement ce qu’elle offrait avec son leadership.
8. Nous ne devons pas oublier Ronald Reagan et leur partenariat. En effet, il fut exceptionnel, beaucoup plus que celui entre Bush et Blair.
Certaines personnes croyaient encore que le communisme constituait la voie de l’avenir, d’autres se fiaient encore aux statistiques soviétiques. Ronald Reagan et Margaret Thatcher sentaient instinctivement qu’il s’agissait d’un régime trompeur et malfaisant.
Dès 1950 elle disait : « Nous croyons au mode de vie démocratique. Si nous travaillons fidèlement au service de cette idée, avec ténacité, nous n’avons rien à craindre du communisme russe. »
Il semble qu’elle ait fait preuve d’une prévoyance extraordinaire.
9. Préparation – Les politiciens au pouvoir sont trop occupés pour penser, en plus d’être entourés de bureaucrates et harcelés par ceux qui veulent défendre leurs intérêts particuliers. Margaret Thatcher a utilisé ses trois à quatre ans dans l’opposition pour se préparer à diriger le gouvernement.
À ce sujet, voir les ouvrages Just In Time de John Hoskyns et Thinking the Unthinkable de Richard Cockett.
Ses idées à propos du marché du travail, du contrôle des changes, de l’inflation, du droit d’acheter des logements sociaux, des privatisations, de la sous-traitance et des « zones d’entreprises » ont toutes été discutées avant 1979. Et elle faisait savoir assez clairement ce en quoi elle croyait à son personnel de recherche et de soutien.
10. Elle n’a pas essayé de tout faire en même temps. Elle s’attaquait à un problème une étape à la fois, particulièrement en ce qui concerne les réformes du marché du travail et les privatisations. Chaque année, les syndicats furent lentement, mais sûrement ramenés sous le règne de la primauté du droit. Chaque année, des progrès furent réalisés en matière de privatisation et petit à petit une dynamique s’est créée.
Par exemple, dans le Employment Act de 1980 elle a : aboli le processus de reconnaissance statutaire ; étendu le droit de refuser de se joindre à un syndicat ; limité le piquetage.
Ensuite, dans le Employment Act de 1982 elle a : interdit les actions visant à imposer des contrats avec des employés syndiqués ; affaibli les clauses d’atelier fermé ; retiré certaines immunités syndicales.
Dans le Employment Act de 1984, elle a : affaibli les immunités syndicales ; rendu obligatoire un vote des membres du syndicat préalablement à une grève ; renforcé le pouvoir des employeurs d’obtenir une injonction.
Finalement, dans Employment Act de 1988, elle a : retiré d’autres immunités syndicales ; étendu le droit pour un individu de travailler sans être membre d’un syndicat.
Bref, les leçons sont les suivantes :
  1. Posséder une « boussole » forte.
  2. Simplifier et communiquer.
  3. Diriger, mais toujours écouter.
  4. Développer des politiques qui « flattent dans le sens du poil ».
  5. Réfléchir à sa stratégie d’avance.
  6. Bâtir une bonne équipe.
  7. Se servir des circonstances.
  8. Se trouver des alliés fidèles.
  9. Se préparer avant d’accéder au pouvoir.
  10. Être patient.
En conclusion, l’ère Thatcher (de 1979 à 1997 – elle quitta en 1990, mais il n’y eut pas d’ère Major) est une histoire extraordinaire de changement à propos d’un pays qui arrive à se sauver lui-même au sein d’un monde turbulent.
Nous ne devons pas non plus oublier son impact sur ses opposants. Mentionnons en particulier le Parti travailliste qui a abandonné la Clause 4 de son programme, soit l’engagement envers la nationalisation, ainsi que le Parti libéral-démocrate, au sein duquel certains jeunes hommes et femmes s’inspirent aujourd’hui de politiques thatchériennes, étonnamment.
Sur la scène internationale, plusieurs développements positifs ont eu lieu : la propagation mondiale des privatisations ; le tournant capitaliste de la Chine ; les réformes en Europe centrale et en Europe de l’Est.
L’influence de Margaret Thatcher s’observe partout et mon institut, l’IEA, est très fier d’avoir contribué à une petite partie de son éducation !
Cet article est la traduction du chapitre 26 du livre Margaret Thatcher : A Portrait of the Iron Lady. L’auteur de ce livre, M. John Blundell, a été décrit par Mme Thatcher elle-même comme l’une des personnes les plus efficaces dans le monde à diffuser les idées à la base du modèle économique de la libre entreprise.
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Sur le web : "Dix leçons apprises de Margaret Thatcher", une publication hors série de l'Institut économique de Montréal.

Notre édition spéciale Margaret Thatcher :
[*] John Blundell fut directeur général de l’Institute of Economic Affairs, considéré comme le laboratoire d’idées le plus prestigieux au Royaume-Uni, de 1993 à 2009. M. Blundell a participé à la création et au développement de nombreux organismes de recherche aux quatre coins du monde.

Ségolène Royal aide Heuliez. L'entreprise calanche.

En ce petit matin tranquille de juin 2010, Ségolène Royal pétulait : grâce à ses vigoureux coups de menton en l'air, toute seule et avec tout plein d'argent pas venu de ses propres poches mais de celles du contribuable français en général et poitevin en particulier, elle avait réussi à sauver Heuliez. Trois ans plus tard, par une froide soirée d'avril 2013, Heuliez dépose son bilan pour la troisième fois. Ségolène Royal se gratte nerveusement le lobe d'une oreille et change de sujet.

Rappelez-vous.


En juin 2010, après des mois de crise lancinante, le tribunal de commerce de Niort validait finalement la reprise de Heuliez par le groupe français Baelen Gaillard Industrie (BGI) pour les activités traditionnelles (emboutissage, carrosserie) et par l'industriel allemand Con Energy pour les véhicules électriques, notamment parce que cette reprise était accompagnée explicitement du soutien du Conseil Régional du Poitou-Charente dans lequel sévissait déjà Ségolène Royal.

Pour faire simple, la société initiale avait été scindée en deux entités. L'une conservait le nom de Heuliez et produisait des pièces pour les voitures. L'autre prenait le nom chantant de Mia Electric et fabriquait des véhicules électriques. C'est tendance, les voitures électriques, comprenez-vous : avec toutes ces méchantes particules PM10 puis PM2.5, l'atmosphère est devenue irrespirable, kof, kof, kof, et on a donc un besoin impérieux de produire en masse des véhicules électriques d'ailleurs réclamés à cors et à cris par des millions de consommateurs avides d'économies, d'air pur et d'oiseaux qui gazouillent.
Avec Ségolène qui s'était penchée de toute son auguste personne sur le berceau de la nouvelle aventure, on ne pouvait parier que sur une retentissante réussite avec des cris et des grincements de dents du champagne et des petits fours (le Conseil sait organiser de belles fêtes). D'autant qu'entre temps, la présidente du Conseil Régional a trouvé à se caser, rapidement, dans la nouvelle structure financière d'arrosage, la BPI.

Ce qui devait arriver arriva donc : la déroute, décontractée, tranquille, coûteuse, et sans le moindre petit mot de Ségolène.

Contrairement à l'agitation survitaminée dont la fière politicienne fit preuve jadis pour vanter les mérites des productions locales, écoconscientes et Grenelles-compatibles, les consommateurs n'ont pas suivi : Mia Electric n'a écoulé que 700 véhicules en 2012, très loin des ... 12 000 (!) prévus et, surtout, du seuil qui permettrait de gagner de l'argent, équilibrer les comptes, voire faire des bénéfices, vous savez, ces notions un peu désuètes et sans intérêt pour nos amis socialistes lorsqu'il s'agit de l'argent des autres (mais bizarrement très pertinentes lorsqu'il s'agit de transferts d'un de leurs comptes vers un autre, de préférence en Suisse ou à Singapour). Pour Heuliez, après moult tractations, l'entreprise annonce donc déposer le bilan.

Et bien sûr, un désastre ne serait pas parfait sans qu'à la belle cuistrerie de son intervention médiatique initiale, la politicienne n'ait ajouté un bon paquet d'argent du contribuable. En effet, pas plus tard qu'en février de cette année, elle avait décidé que le Conseil Régional pouvait très bien prendre une participation de près de 2.5 millions d'euros dans le groupe. Comme à son habitude, la Dame Aux Caméras n'avait alors pas pu s'empêcher d'expliquer son geste, et son entregent naturel aura fait le reste :

    « C'est une prise de risque, mais, si extraordinaire que cela puisse paraître, je crois que ça va marcher »

sego c'est plus fort que totAh, sacré Ségo : il a fallu que tu t'y mettes, à corps perdu, et que tu engages ta fortune personnelle histoire de prouver au reste du monde que tu avais raison. Heu, hum, hum, non, pardon : tu devais bien savoir, au fond de toi, que tu es une tanche en économie (comme, du reste, tous tes petits camarades politiciens dont la vie en entreprise s'est toujours résumée, dans le meilleur des cas, à pantoufler dans l'un ou l'autre groupe détenu par l’État, sans risque) ; tu as donc largement préféré investir la fortune des autres, tes ouailles du Poitou, tant pour Heuliez avec cette participation-surprise que Mia Electric pour 5 (autres) millions d'euros (de plus). Et au fait, j'évoque les autres polytocards qui t'ont entourée pour tes frasques, parce qu'au passage, on retrouve, dans les actes de décret de la prise de participation, que ce sont aussi des gens de droite qui t'ont laissée faire tes patouillages rigolos et coûteux... C'était une prise de risque qui, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, n'a pas marché du tout.

Il n'y a finalement guère de quoi rigoler devant le nouveau désastre de la politique industrielle française à la sauce politicienne. Les constats sont toujours les mêmes : l'outil industriel était probablement performant et pouvait se maintenir, à condition que l'entreprise ne soit pas consciencieusement matraquée d'impôts et de taxes. Plutôt que résoudre ce problème là, on aura préféré continuer à ponctionner quitte à distribuer des petites douceurs. Ces dernières ont en effet l'avantage d'être éminemment visibles et permettent d'ameuter le journaliste content de constater qu'on dépense l'argent public pour sauver des emplois. Et bien évidemment, le résultat, au bout de quelques mois, est parfaitement en ligne avec ce qu'on a pu observer pour d'autres polytocards : l'intervention est rapidement suivie d'un désastre.

(Au passage, cela peut se terminer en boucherie si on laisse Montebourg intervenir maintenant.)

Il faut se rendre à l'évidence : tout comme le Minustre du Dressement Reproductif, Royal est parfaitement, totalement et complètement inutile et ne fait qu'accélérer le destin funeste des malades qu'elle touche. De ce point de vue, nos élus se comportent avec la plus totale inconscience, n'ayant jamais même pensé à remettre en question leurs actions, forcément bénéfiques puisqu'ointes du suffrage universel, démocratique et bisou-compatible. Pire encore, aucun affidé de l'inutile présidente ne lui aura fait le petit calcul pourtant simple de ce que représentent les 5 millions injectés dans Mia Electric ou des quasiment 2.5 placés dans Heuliez : combien d'actions sociales, combien de projets innovants, combien d'allègement de charges ou de ponctions supprimées ces sommes représentent-elles ? La Dame du Poitou aura en fait sciemment choisi d'arroser généreusement un arbre mourant plutôt qu'en laisser pousser de jeunes plus prometteurs. Oh, bien sûr, on nous badigeonnera les médias d'emplois sauvés lorsque l'arrosage aura eu lieu. Mais les quelques années gagnées pour ceux-là auront coûté combien d'emplois jamais créés dans des entreprises qui auraient pu, elle, passer sans problème le cap des trois ans ?

On en revient toujours à cette même question : si l'entreprise est viable, pourquoi y mettre de l'argent public ? Et si l'entreprise n'est plus viable, pourquoi y mettre de l'argent public ?

Ayrault entre deux feux

Ayrault entre deux feux

Jean-Marc Ayrault considère qu'il ne faut pas exagérer l'interprétation du référendum en Alsace même si l'affaire Cahuzac n'incite guère les citoyens à voter. L'enjeu était, selon lui, d'abord alsacien. Quant au projet de loi sur la moralisation de la vie politique dont il présentera les grandes lignes, ce matin, au conseil des ministres, le Premier ministre n'ose se hasarder à pronostiquer qu'il rétablira la confiance. Utilisant le terme de brebis galeuses qui existeront toujours, le chef du gouvernement indique simplement qu'il prépare un arsenal de moyens contre la délinquance financière. Pas d'effet de manches à Matignon où le chef du gouvernement recevait, hier matin, quelques journalistes pour leur exposer son ambition pour une nouvelle étape de la décentralisation. Un projet de loi que Claudy Lebreton lui reproche d'avoir découpé en trois parties pour complaire à Jean-Pierre Bel, le président du Sénat, et François Rebsamen, le président du groupe socialiste à la Haute Assemblée que je croise justement dans la cour, et qui ressemblent à des comploteurs ayant réussi à faire plier le Premier ministre. Ayrault, qui balaie d'un revers de la main la polémique soulevée par le président de l'association des départements de France, veut créer des dynamiques de territoires. Et se dit prêt à remettre sur la table la notion de peréquation entre départements riches et pauvres pour remédier aux inégalités territoriales et sociales. Quoi qu'il en soit, les conférences territoriales se réuniront après... les municipales pour évoquer les doublons et les synergies à mettre en place.

A-t-on vu Premier ministre plus conciliant et plus prudent ? En attendant, Jean-Marc Ayrault a dû s'étrangler à la lecture du Monde en lisant l'interview de son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, validée, semble-t-il, par l'Élysée. « Le sérieux budgétaire, s'il tue la croissance, n'est plus sérieux. Il est absurde et dangereux », dit-il. En laissant l'impétueux ministre, désavoué sur son projet de nationalisation lors de l'affaire de Florange, pointer les risques de récession provoqués par l'austérité, François Hollande garde deux fers au feu mais brouille le message. Et complique, du même coup, le cadrage budgétaire auquel se livre depuis des semaines son Premier ministre.Jean-Marc Ayrault considère qu'il ne faut pas exagérer l'interprétation du référendum en Alsace même si l'affaire Cahuzac n'incite guère les citoyens à voter. L'enjeu était, selon lui, d'abord alsacien. Quant au projet de loi sur la moralisation de la vie politique dont il présentera les grandes lignes, ce matin, au conseil des ministres, le Premier ministre n'ose se hasarder à pronostiquer qu'il rétablira la confiance. Utilisant le terme de brebis galeuses qui existeront toujours, le chef du gouvernement indique simplement qu'il prépare un arsenal de moyens contre la délinquance financière. Pas d'effet de manches à Matignon où le chef du gouvernement recevait, hier matin, quelques journalistes pour leur exposer son ambition pour une nouvelle étape de la décentralisation. Un projet de loi que Claudy Lebreton lui reproche d'avoir découpé en trois parties pour complaire à Jean-Pierre Bel, le président du Sénat, et François Rebsamen, le président du groupe socialiste à la Haute Assemblée que je croise justement dans la cour, et qui ressemblent à des comploteurs ayant réussi à faire plier le Premier ministre. Ayrault, qui balaie d'un revers de la main la polémique soulevée par le président de l'association des départements de France, veut créer des dynamiques de territoires. Et se dit prêt à remettre sur la table la notion de peréquation entre départements riches et pauvres pour remédier aux inégalités territoriales et sociales. Quoi qu'il en soit, les conférences territoriales se réuniront après... les municipales pour évoquer les doublons et les synergies à mettre en place.

Corruption : une valeur mondialiste bien partagée

 Malgré sa législation sophistiquée et la probité légendaire de ses hommes politiques, la liste des scandales politico-financiers en France, ne cesse de s’allonger. D’autres révélations concernant jusqu’à l’entourage même du Président et les membres les plus importants de son gouvernement, sont mêmes annoncées par une partie de la presse. Une partie seulement, car il est de bon ton, pour la majorité de nos confrères français, de faire le plus souvent l’impasse sur certaines affaires pourtant connues de longue date. Professionnalisme ou principe de précaution ? Sûrement pas ! C’est plutôt, ce qui parait être devenue la nouvelle règle déontologique des plumitifs aux ordres, appliquant la règle des trois singes : « pas vu, pas entendu, pas rapporté », c’est plutôt donc, une atonie qui dénote avec le lynchage convenu et organisé qui s’en suit, quand il ne leur est plus possible de dissimuler l’inavouable.

Les affaires secouant régulièrement le paysage politique français n’ont malheureusement rien à envier aux scandales de corruption à répétition qui atteignent le parlement, les instances ou même les touts puissants et despotiques commissaires, de l’Union Européenne. Un documentaire de la BBC a récemment illustré, ce que de simples citoyens tentent de dénoncer depuis longtemps. A savoir, que quelque soit le groupe politique, les députés, comme certains fonctionnaires européens, et pas des moindres, étaient aisément corruptibles. En effet, bon nombre de lois votées au sein de l’assemblée de Bruxelles, imposées ensuite aux nations membres et donc aux populations, ne sont en réalité que des copiés-collés des textes présentés par des lobbies industriels et financiers. Mais le scandale ne s’arrête pas là. Tout comme l’affaire chypriote l’a révélée, ce sont des milliards d’Euros d’argent public, qui sont détournés et volés chaque année. La Commissaire aux affaires intérieures de l’Union Européenne, Cecilia Malstrom, a estimé, que le « lobbying corruptionnel » au sein de l’Union Européenne, avoisinerait plus de 120 milliards d’euros. Malgré cet affligeant constat, des mesures efficaces contre la corruption sont toujours à l’étude à Bruxelles. Comme d’habitude, il y a ceux qui réfléchissent et ceux qui agissent.

Pendant ce temps là, en Russie la lutte contre ce fléau s’intensifie. Le Président Vladimir Poutine vient de signer de nouveaux décrets, précisant les conditions d’applications, des lois anti-corruption adoptées en 2012. Les élus, les fonctionnaires et les personnels assimilés au service des entreprises d’état, sont dorénavant tenus de faire figurer sur leurs déclarations de revenus, les avoirs et les propriétés des membres de leur famille. Tout achat important devra être préalablement déclaré et l’origine des fonds devra également être précisée. Rappelons aussi, qu’il est interdit pour ces mêmes personnes, comme aux membres de leur famille, de détenir des valeurs ou des propriétés à l’étranger. Ces mesures drastiques démontrent l’intransigeance du Kremlin pour les conditions « sine qua non » imposées tant aux serviteurs de la nation que de l’Etat. L‘exemplarité n’étant pas une formule creuse ou juste bonne pour autrui.
Connu pour s’être attaqué, sitôt son arrivée au pouvoir, aux oligarques qui dépeçaient la nation et pour avoir rétabli l’autorité de l’Etat, le président Vladimir Poutine, constamment critiqué par les médias occidentaux si discrets chez eux, avait promis de prendre des mesures efficaces contre la corruption et cette politique commence à porter ses fruits. Nombreux sont les personnages de premiers plans et les fonctionnaires de tous échelons, à en faire les frais. La condamnation est sans appel car elle écarte à jamais les coupables, de la fonction publique ou de la représentation politique.


Cette lutte contre la corruption n’est pas qu’un simple effet de manche ou une campagne de relations publiques permettant de détourner l’attention du peuple sur une victime expiatoire. La population russe en mesure progressivement les effets et ne s’y trompe pas. Les derniers sondages concernant l’action du gouvernement russe, ainsi que la cote de popularité du président Vladimir Poutine, en témoignent. Alors qu’en France, comme dans d’autres pays de la zone euro, les condamnations n’empêchent pas les hommes politiques d’être réélus et les fonctionnaires d’être mutés ou promus. Tout au plus n’auront-ils à subir qu’une simple période d’oubli ou un blâme, avant que l’ordre normal des choses ne reprenne son cours.

La démocratie française, à de rares exceptions, n'est plus qu'un mot vide de sens, qui ne sert pour certains qu'à voler leurs élections pour vivre sur le dos des électeurs. Ainsi soit-il au pays du verbe haut et de la gesticulation politique. Malgré sa patience qui s’amenuise, le peuple français est bonne pâte. Il est encore prêt à passer l’éponge plutôt que le kärcher. Il suffirait pourtant de sanctionner les hommes politiques ou les fonctionnaires corrompus, en les rendant inéligibles à vie ou indignes de représenter l’état. On pourrait aussi les obliger à rembourser les sommes perçues ou dissimulées. Le risque deviendrait alors dissuasif et les vocations retrouverait tout leur sens originel : servir le peuple.

Apaiser les tensions

Apaiser les tensions 

 Les spéculations vont reprendre. Que va-t-il devenir, cet aéroport de Notre-Dame-des-Landes, imaginé dès 1965 ? On rêve, à l'époque, du Concorde. Dès 1974, les terres sont gelées, ce qui permettra de préserver d'ailleurs un bocage exceptionnel. Aujourd'hui, on parie sur l'A 380, et Nantes, l'une des villes les plus dynamiques de France, rêve de cet aéroport moderne qui « boostera » l'économie du Grand Ouest, bien mieux que les lignes de TGV.

Tout était prêt pour le décollage. La déclaration d'utilité publique adoptée, les recours épuisés, quand Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, a été promu Premier ministre de François Hollande. Le bel aéroport s'est alors immédiatement métamorphosé en symbole et en point d'abcès des divergences de la gauche, entre le PS, les écologistes, le parti de Mélenchon, les altermondialistes.

Par sa seule présence à Matignon, le projet de Notre-Dame-des-Landes entrait dans une impasse politique difficile. Il a fédéré les oppositions, transformant le bocage en vague Larzac bis, contraignant la gauche au pouvoir à sonner la charge des CRS.

Pour l'Élysée, où l'on a beaucoup de chats à fouetter en ce moment, il fallait absolument que le Premier ministre sorte de ces turbulences aéroportuaires dangereuses, de ce conflit d'intérêt larvé entre sa fonction de jadis ¯ maire de Nantes ¯ et son poste de chef de gouvernement.

C'est fait. Hier, la commission du dialogue, chargée d'apaiser les esprits après les échauffourées de novembre dernier, a remis son rapport non pas à Matignon mais au ministère des Transports. Les clés du dossier, officiellement, changent de mains. À Frédéric Cuvillier, le discret ministre des navires et des avions, de s'en débrouiller.

Le Premier ministre reprend ainsi un peu de hauteur. Il quitte la zone agitée. Il mise surtout sur une reprise du dialogue local. Car si l'on en croit le rapport Chéreau, partisans et opposants se sont échangé quelques arguments fallacieux sur la situation actuelle de l'aéroport. Remettre tout cela dans le bon ordre est nécessaire.

Il ne suffit pas, dans une démocratie représentative comme la nôtre, qu'un grand projet d'aménagement franchisse des élections locales, soit adopté par les conseils généraux, régionaux, promu par les forces économiques, les chambres de commerce. Faut-il encore que l'opinion, cette fois nationale, le légitime. Et par ces temps de parcimonie budgétaire la question forcément se pose : faut-il réaliser cet équipement?

Le rapport avait pour objectif d'apaiser les tensions. Chacun y trouvera des motifs de satisfaction. Les partisans pourront se réjouir de l'utilité réaffirmée de l'aéroport. Les opposants pourront dire au contraire que la copie est à revoir  : la piste actuelle de Nantes-Atlantique est loin d'être saturée. Économiquement, l'aéroport nantais n'est pas entravé. Il peut attendre le retour d'un petit vent de croissance.

Plusieurs bonnes raisons poussent à ce qu'on donne du temps au temps. Raisons économiques : la piste actuelle est utile à Airbus, pourvoyeur d'emplois s'il en est. Pas question de s'en passer. Raisons politiques : les municipales approchent. Les forces de gauche peuvent-elles se déchirer et s'affronter à Nantes pour ce projet ?

L'aéroport de Notre-Dame-des-Landes risque de prendre du retard au décollage.

Une « bande de brigands »

Une « bande de brigands »

« La loi ne se réfère pas à un ordre naturel. Elle se réfère à un rapport de force à un moment donné. Et point final ! », avait osé sortir le rapporteur du projet de loi Taubira devant le Sénat, Jean-Pierre Michel, en réponse à notre ami le philosophe Thibaud Collin, auditionné sur ce projet le 14 février 2013.

« Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire », avait dit de la même façon André Laignel, tandis que François Mitterrand parlait de « la force injuste de la loi », suivi par Jacques Chirac répétant « non à une loi morale qui primerait la loi civile »…

La bombe Cahuzac et son effet (domino) de souffle révèle aujourd’hui à sa manière à quoi aboutit ce misérable point de vue positiviste (a fortiori marxiste) de la loi déjà fustigé en son temps par saint Augustin (dans La Cité de Dieu, IV, 9) : « Sans la justice, en effet, les Etats [royaumes, empires ou républiques] sont-ils autre chose que de grandes troupes de brigands ? Et qu’est-ce qu’une troupe de brigands, sinon un petit Etat ? Car c’est une réunion d’hommes où un chef commande, où un pacte social est reconnu, où certaines conventions règlent le partage du butin. Si cette troupe funeste, en se recrutant de malfaiteurs, grossit au point d’occuper un pays, d’établir des postes importants, d’emporter des villes, de subjuguer des peuples, alors elle s’arroge ouvertement le titre d’Etat, titre qui lui assure non pas le renoncement à la cupidité, mais la conquête de l’impunité. »

« Pas vu pas pris ! » : avant qu’il ne soit pris trop ostensiblement la main dans le sac au détriment de ses compagnons de fortune, qu’est-ce qui distinguait ce ministre du Budget nous contraignant de payer nos impôts au nom de sa bande (c’est-à-dire d’un Etat sans référence à la loi naturelle, pratiquant à sa guise l’arbitraire) d’un Mandrin nous dérobant notre bourse dans la poche ? « Si Dieu n’existe pas tout est permis », écrivait Dostoïevski. Nous avons rappelé récemment cette parole d’un autre ministre (de la Culture !) que son chef d’alors (Nicolas Sarkozy) n’avait même pas cru devoir désapprouver ni faire démissionner pour une autre affaire d’Etat au moins aussi grave que celle de Cahuzac ou DSK : « L’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système, celui qui fonctionne enfin car je sais qu’on ne me refusera pas. »

La crise morale et politique qui sévit aujourd’hui en France à différents niveaux nous remet en mémoire un passage du discours de Benoît XVI devant le Bundestag (en septembre 2011) évoquant précisément le fameux passage de saint Augustin : « Vous me permettrez de commencer mes réflexions sur les fondements du droit par un petit récit tiré de la Sainte Ecriture. Dans le Premier Livre des Rois on raconte qu’au jeune roi Salomon, à l’occasion de son intronisation, Dieu accorda d’avancer une requête. Que demandera le jeune souverain en ce moment ? Succès, richesse, une longue vie, l’élimination de ses ennemis ? Il ne demanda rien de tout cela. Par contre il demanda : “Donne à ton serviteur un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal.” ?Par ce récit, la Bible veut nous indiquer ce qui en définitive doit être important pour un politicien. Son critère ultime et la motivation pour son travail comme politicien ne doit pas être le succès et encore moins le profit matériel. La politique doit être un engagement pour la justice et créer ainsi les conditions de fond pour la paix. Naturellement un politicien cherchera le succès sans lequel il n’aurait aucune possibilité d’action politique effective ! Mais le succès est subordonné au critère de la justice, à la volonté de mettre en œuvre le droit et à l’intelligence du droit. Le succès peut aussi être une séduction, et ainsi il peut ouvrir la route à la contrefaçon du droit, à la destruction de la justice. “Enlève le droit – et alors qu’est ce qui distingue l’Etat d’une grosse bande de brigands ?” a dit un jour saint Augustin… »

De Cahuzac à Taubira

Une chose est d’avoir des mœurs corrompues, autre chose encore est de vouloir changer la règle des mœurs. La fin justifiant les moyens, la spirale mensongère des trois concupiscences (l’argent, le sexe, le pouvoir) s’aggrave démesurément avec la « movida » (l’envie) idéologique du démon, ennemi de la nature humaine, comme on le constate, entre autres dénis de justice, depuis la loi Neuwirth (contraception) jusqu’au projet de loi Taubira en passant par la loi Chirac-Veil. « Là où on exclut Dieu, on introduit – sous des formes plus ou moins flagrantes – le principe de la bande de brigands. Apparaît alors le meurtre organisé d’êtres humains innocents – avant leur naissance – commis sous le couvert d’un droit institué pour répondre aux intérêts d’une majorité », écrivait aussi le cardinal Ratzinger (Un tournant pour l’Europe, Flammarion, 1996, p. 121). Nous dirions même : pour répondre aux intérêts d’une infime minorité, c’est-à-dire d’une bande sans scrupule comme on le voit avec le « mariage » gay et la théorie du gender.

Avec l’aide d’évêques et d’autorités morales et politiques, vrais « défenseurs de la cité », c’est bien contre ce système promu par le rapporteur Jean-Pierre Michel et pratiqué depuis des lustres aussi bien par la gauche que par la (fausse) droite, qu’il faut lutter. Pour en sortir. Car, comme pouvait le dire aussi Cicéron en son temps (à Clodius qui l’avait fait exiler en - 58 avant Jésus-Christ) : « Ce rassemblement de pillards, ce brigandage que tu as organisé au forum… au service de ton crime et de ta folie, tout cela, ce n’était pas la cité ! » (Paradoxes stoïciens, IV).