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samedi 23 août 2014

Alain Juppé : le dramatique manque de renouvellement de la classe politique française

Alain Juppé a annoncé sa candidature à la primaire UMP de 2016. Pour Maxime Tandonnet, cet énième retour en lice d'un politique après plusieurs années au pouvoir pose la question du renouvellement de la classe dirigeante française.
La candidature d'Alain Juppé à la primaire UMP, donc à l'élection présidentielle de 2017, annoncée le 20 août sur son blog, soulève la question fondamentale du renouvellement de la classe dirigeante française. La question de son âge n'est absolument pas au coeur du problème. Charles de Gaulle avait 75 ans lors de sa première élection au suffrage universel en 1965. Ronald Reagan, généralement considéré comme un grand président américain, fut élu à 70 ans. Combien de jeunes présidents se sont en revanche révélés médiocres? Par contre, l'absence de renouvellement de la classe dirigeante française prend des proportions dramatiques. Alain Juppé est depuis plus de trente ans l'une des principales figures du monde politique français. Depuis 1986, il fut ministre à de nombreuses reprises, au budget, aux Affaires étrangères (1993-1995), puis chef de Gouvernement en 1995 et 1997. La carrière du maire de Bordeaux a connu ses heures de gloires et ses échecs. La mémoire politique est étrange et donne lieu à des retournements
spectaculaires. La position privilégiée d'Alain Juppé aujourd'hui dans les sondage correspond à une image de sagesse et de modération appréciée de l'opinion publique. Pourtant, il fut franchemement impopulaire à la fin des années 1990, considéré comme distant et autoritaire, responsable du blocage du pays pendant trois semaines en décembre 1995, aboutissant au retrait de sa réforme des retraites, puis à l'origine de la dissolution de 1997 à et d'une cohabitation de cinq années entre le président Chirac et la «gauche plurielle». Remis en selle par sa réussite à la mairie de Bordeaux et sa nomination comme ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy en 2011, le personnage d'Alain Juppé est indissociable de trois décennies de la vie politique française. D'autres visages dominants de l'opposition au pouvoir socialiste reflètent une continuité, une permanence, voire un sur-place de la vie publique: songeons à François Bayrou, membre du gouvernement en 1993, à François Fillon, ex Premier ministre, ministre en 1993, comme Michèle Alliot-Marie, à Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de Jacques Chirac, entré au gouvernement en 1995.
Au-delà de la question de la permanence des hommes, plus préoccupante est celle de l'immobilité des conceptions de la vie publique, des projets, des idées. Nous assistons à un triomphe de la conception chiraquienne du pouvoir autour d'une vision conservatrice des choses. La déclaration d'Alain Juppé reflète la nostalgie de cette époque. Ce n'est pas un hasard s'il place le Front national au premier plan de ses adversaires, avant même le pouvoir socialiste. La promotion de ce parti «protestataire» (ou «extrémiste») en ennemi public numéro un, lui permet ainsi de tenter de se placer en rassembleur de la Nation à l'image de Jacques Chirac en 2002. La vie politique semble ainsi se figer dans le conformisme ou la banalité, sur les institutions françaises européennes, les incantations en faveur d'une nouvelle croissance, l'écologie, le social. On est frappé du silence sur les sujets qui gênent la classe dirigeante mais préoccupent les Français, comme la sécurité, la laïcité et l'autorité de l'Etat. A l'immobilisme du personnel politique semble correspondre l'inertie des idées qui ouvre un boulevard au parti lepéniste, susceptible de favoriser le maintien au pouvoir des socialistes en 2017. La voie semble pour l'instant barrée à des hommes ou des femmes qui ont tenté de renouveler la pensée de l'opposition, de dégeler le débat d'idées, comme Laurent Wauquiez, Hervé Mariton, Henri Guaino. La vie politique française, sclérosée, otage de ses clans, familles, réseaux, rentes électorales, a avant tout besoin d'un air frais de renouveau. Ce n'est pas cette étrange annonce de candidature à une élection présidentielle trois ans à l'avance, qui va y contribuer.

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