TOUT EST DIT

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mardi 2 septembre 2014

Le plus grand déficit français : le déficit de réalisme ?

La révolution numérique/internet et la globalisation planétaire sont des bouleversements, des « chocs de civilisations » qui affectent en profondeur la vie des citoyens de tous les pays. Quand les politiciens français le comprendront-ils ?
Voir le monde médiatique en transes parce qu’un homme ayant travaillé dans le privé devient ministre du nouveau gouvernement Valls. Voir un premier ministre socialiste dire « j’aime l’entreprise » se faire huer par les siens en dit long sur la distance séparant encore aujourd’hui la vision du microcosme politico-médiatique et les réalités de notre planète. Pourtant, au congrès de La Rochelle, Valls a lancé deux phrases fortes (pour un homme de gauche…) : « le monde a totalement changé… Il faut une politique de citoyenneté ». J’ai eu un court moment d’espoir : Valls avait compris que notre régime politique interdit à la France de s’adapter. Mais ce fut pour affirmer aussitôt : « on ne joue pas avec les institutions de la République ! » En fait il s’adressait seulement aux « frondeurs » de son parti…
La réalité : deux révolutions ont créé de nouveaux citoyens
La révolution numérique/internet et la globalisation planétaire sont des bouleversements, des « chocs de civilisations » qui affectent en profondeur la vie des citoyens de tous les pays. Ils auraient dû entraîner des modifications importantes dans le mode de gouvernance de notre pays. Il n’en a rien été ; c’est la vraie cause de l’ampleur de la crise française et de sa durée.
De tels phénomènes entraînent nécessairement des difficultés pour certains mais les atouts l’emportent largement. De toute façon, l’ensemble constitue la nouvelle réalité. Cette réalité… « augmentée », créée par le numérique et les sciences qui y sont associées, impacte peu à peu toute l’activité humaine jusqu’à provoquer l’apparition d’un « homme nouveau » comme le montre le philosophe Michel Serres en décrivant l’existence de la « petite Poucette ». Quant à la « planétisation », dénomination que je préfère pour notre petite Terre à l’arrogante « mondialisation », elle modifie en profondeur le fonctionnement de l’économie et les relations entre les pays et entre les citoyens.
Comme certains analystes l’ont bien décrit, des mouvements de cette importance sont à l’origine d’évolution de la culture individuelle et mais aussi sociétale : les systèmes politiques, les comportements des citoyens envers la politique, les profils de ceux qui entendent y jouer un rôle sont affectés. Mais en France ?
Écoutons Jean-François Kahn : « Les Français remettent en cause les élites actuelles. Ils aspirent donc à un renouvellement de ces dernières. Ça fait 40 ans, 50 ans, que l’on a les mêmes politiques, les mêmes philosophes, les mêmes journalistes. La situation est similaire dans les médias. Cela fait 30 ans que l’on entend les mêmes, Alain Minc, Bernard-Henry Lévy, etc. »
Le déni de la réalité nouvelle a plusieurs causes
déficit de réalisme Le HonzecEn tout premier lieu, le poids des idéologies gauchistes mais aussi dirigistes, avec le dédain pour le citoyen « ordinaire » (selon les élites !) : l’État doit tout faire car lui saurait mieux que le citoyen ce dont celui-ci a vraiment besoin, accepté jusqu’ici car conforme au goût français pour les systèmes plutôt que pour l’organisation spontanée. Cependant la révolution numérique fait découvrir chaque jour davantage au citoyen l’étendue de l’information à sa disposition et son aptitude à agir seul ou avec d’autres, librement choisis.
En second lieu, notre régime politique est d’un autre temps, celui de 1958. Le vice profond de la constitution de la Vème république est d’avoir donné un pouvoir démesuré à un homme, de l’avoir placé au sommet d’une organisation qui privilégie à l’excès l’impulsion du haut vers le bas, donnée par de supposées élites, celles-ci montrant pourtant des défauts souvent dénoncés. Les politiciens de droite comme de gauche ont ainsi tous les moyens de pratiquer un interventionnisme étatique et bureaucratique dans tous les domaines y compris ceux de la sphère privée, et s’arrogent le droit d’endetter les Français avec pour devise : « je dépense, donc je suis ».
La culture dirigiste française, à droite comme à gauche, débouche sur un interventionnisme public excessif avec un poids record des dépenses publiques, dont on peut dire qu’il est le meilleur critère du collectivisme, et présente une forte corrélation avec le taux de chômage.
Dép. publiques – PIB taux de chômage
France : 57% – 11%
Royaume Uni : 47% – 6,6%
USA : 38% – 6,3%
Australie : 35% – 5,8%
Suisse : 34% – 3,3%
Corée du Sud : 30% – 3,7%
(www. statistiques –mondiales.com, chiffres mars -mai 2014).
Ces dépenses publiques s’expliquent par un secteur public surdimensionné et une protection sociale trop coûteuse, clientéliste, idéologique n’atteignant même pas son but. Au lieu d’être en partie payées par leurs bénéficiaires comme il conviendrait, les charges qui en découlent sont imposées aux entreprises dont la compétitivité est ainsi amoindrie face à des concurrents aujourd’hui planétaires. Le résultat est que ces personnes aidées payent par le chômage cette pseudo-protection, les mêmes subissant de plus l’effet d’un droit du travail sans flexibilité freinant ainsi l’embauche mais auquel s’accrochent par idéologie arriérée la majorité des syndicats de salariés.
Un autre problème est de trouver aux commandes du pays principalement des personnes sans pratique entrepreneuriale marchande et de formation monocolore : on recense plus de 90% d’énarques dans les cabinets de l’exécutif !
L’arrivée au gouvernement d’Emmanuel Macron ne remet pas en cause le « SOS » lancé en juillet par Charles Gave, économiste et Président de l’Institut des Libertés, constatant un phénomène unique dans le monde développé : « Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, il n’y a pas un seul membre du gouvernement qui ait la moindre expérience du secteur privé. Tous les membres du gouvernement ont toujours été payés par nos impôts et jamais par un client. »
Soulignons aussi l’absence de vrais partenaires sociaux, de syndicats de salariés qui travailleraient avec le patronat pour améliorer le sort de tous les acteurs de l’économie. Mais non ! La France ne connait que des « adversaires sociaux », avec des syndicalistes pour la grande majorité mus encore par des idéologies communistes et trotskistes, refusant de reconnaître que « l’économie n’est pas une idéologie, c’est une réalité dans laquelle chaque société tente de tirer le meilleur de ce qu’elle produit ». (Olivier Dassault, Pt GEEA) et que la croissance et l’emploi dépendent en priorité des décisions des chefs d’entreprise.
Dans une récente interview (Les Échos, 25.8.14), Jean-Claude Trichet remarque : « En France, la culture dominante est celle des partenaires sociaux des secteurs non exportateurs, publics et privés. En Allemagne, la culture dominante est celle des secteurs exportateurs. C’est pourquoi notre pays a absolument besoin d’un mot d’ordre… d’une stratégie de « stabilité compétitive ». Les partenaires sociaux allemands, eux, poursuivent cette politique spontanément ».
Le vrai changement : aller vers la fin du citoyen de seconde zone
entreprise cadres manager CC pixabayPour le nouveau citoyen, mieux informé, sollicité en permanence sur tous les sujets, souhaitant et pouvant prendre sa part des débats y compris politiques à tout moment, la consultation électorale tous les 5 ou 6 ans est inadaptée et les rôles des politiciens professionnels légitimement remis en cause.
À l’opposé du régime français actuel où une oligarchie de fait exerce le pouvoir existent plusieurs alternatives : la Suisse, l’Allemagne, l’Italie, plus de la moitié des États et grandes villes aux États-Unis ont mis en place un système fondé sur la subsidiarité où chaque niveau de gestion (commune, région…) délègue à l’échelon supérieur les seuls rôles qu’il ne peut assumer ; cette logique aboutit à délimiter le périmètre d’intervention de l’État aux missions qu’il est seul à même d’accomplir.
Notons que l’Église catholique, notamment dans les encycliques, invite à cette nécessaire subsidiarité. Celle-ci s’accommode bien du régime dit de « démocratie directe » où, si des élus continuent de voter les lois et les impôts, les citoyens en prennent leur part par le biais du référendum d’initiative populaire pratiqué au niveau local et national.
Un tel système permet à la communauté de bénéficier des idées et des initiatives du plus grand nombre de ses membres. Et pour chacun de ceux-ci c’est un mode de reconnaissance de sa dignité d’homme et de sa responsabilité de citoyen.
Pour les Français, il s’agira donc d’une sorte de révolution culturelle : le sociologue Gilbert Delagrange dans son livre Le citoyen et le système politique l’affirme : « la vérité idéologique reste aveugle à la complexité du monde et procède par déni de la réalité… L’affirmation indéfiniment répétée des mêmes dogmes relève de la croyance et non du savoir, ce qu’Alain Besançon résume magistralement : Lénine ne sait pas qu’il croit. Il croit qu’il sait ».
Chaque jour on note sur internet les débats, les forums, qui traduisent le sentiment des Français appelant à changer nos institutions. C’est probablement le sens de la démarche engagée par un entrepreneur, Denis Payre, qui a lancé en septembre 2013 le mouvement « Nous Citoyens », lequel remet en cause les politiciens professionnels qui gèrent leur carrière et chez qui l’esprit de service est secondaire ; il propose de rassembler des acteurs de la vie civile qui apportent leurs idées, leur expérience, leur capacité d’initiative. Et, en fin de compte, instituer une nouvelle forme de partage et d’exercice du pouvoir.

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