TOUT EST DIT

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mercredi 24 septembre 2014

Les PIGS sont-ils vraiment sortis d'affaire ?

Vous souvenez-vous des PIGS ? Bien évidemment, quelle question ! Impossible en effet d'oublier l'acronyme de toutes les peurs. L'acronyme de toutes les spéculations, parfois même les plus folles. Car le Portugal, l'Irlande, la Grèce et l'Espagne sont passés à un rien d'un désastre économique qui aurait pu faire imploser la zone euro. Mais c'est désormais de l'histoire ancienne. A moins que…
Au deuxième trimestre, la zone euro remercie les PIGS.
Après avoir enregistré une croissance de 0,2% au premier trimestre, la zone euro a calé au deuxième trimestre, ne se contentant d'afficher qu'une stagnation de son PIB. Dans le détail, il est d'ailleurs atypique de constater que ce sont les cadors de la croissance européenne qui ont failli, à l'instar notamment de l'Allemagne dont le PIB s'est contracté de 0,2% au deuxième trimestre (après une hausse de 0,7% au premier trimestre).
Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, la situation aurait pu être encore plus déplorable… sans le concours des PIGS. Au ban de la communauté financière pendant de nombreux mois, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal et, dans une bien moindre mesure, la Grèce sont en effet parvenus à tirer leur épingle du jeu pour se remettre sur le chemin de la croissance et tirer par conséquent la zone euro vers le haut.
Le tigre celtique ressort ses griffes.
Tirant profit du dynamisme de sa demande intérieure, l'Irlande affiche depuis le début d'année un rebond spectaculaire de son activité et, petit à petit, renoue avec sa réputation de tigre celtique. Jugez plutôt. Au deuxième trimestre, l'économie irlandaise a connu une progression de son PIB de 1,5% alors que le consensus tablait sur une timide croissance de 0,5%. Au premier trimestre déjà, le pays avait affiché un taux de croissance particulièrement soutenu de 2,8%.
Les derniers indicateurs sont par ailleurs tellement bons que le gouvernement a été poussé à réviser à la hausse sa prévision de croissance annuelle à 4,5% (contre une estimation initiale de 2,1%), un niveau quasiment comparable à ceux régulièrement atteints par le pays avant la crise. Finie donc la période de vaches maigres, le tigre ressort désormais ses griffes.
Et les marchés ne s'y trompent pas. Progressivement en effet ils ont été séduits par la capacité de l'économie irlandaise à se réformer sans heurts majeurs, ce qui s'est traduit par une détente des taux sur le marché obligataire. A titre d'illustration, l'Irlande emprunte aujourd'hui sur des maturités à dix ans à un taux de seulement 1,95% contre un peu plus de 14% en 2011.
Cet élément constitue d'ailleurs une aubaine et le gouvernement a annoncé vouloir profiter de ces conditions avantageuses pour rembourser par anticipation les prêts du FMI (22,5 milliards d'euros) qui avait été octroyés dans le cadre du plan d'aide international mis en place en 2010. Quel chemin parcouru !
¡ Vamos Espaňa !
La Commission européenne, les institutions internationales, les agences de notation et les marchés sont unanimes : l'Espagne va mieux. Au deuxième trimestre en effet, le pays a affiché une croissance de son PIB de 0,6%, soit un plus haut depuis le dernier trimestre 2007. Une vivacité déjà tangible au premier trimestre quand l'économie espagnole enregistrait une croissance de 0,4%, de même qu'aux deux derniers trimestres de l'exercice 2013 où le pays sortait enfin d'une récession longue de deux ans.
Deux éléments permettent d'expliquer ce retour en grâce de l'Espagne. Tout d'abord, la confiance retrouvée des ménages dont les niveaux tutoient ceux d'avant crise. Depuis plusieurs mois en effet, les ménages espagnols semblent prendre conscience que le plus dur est passé et que le pays se dirige désormais vers des jours meilleurs. Conséquence de ce moral en amélioration continue, leur consommation a progressé de 0,7% au deuxième trimestre après déjà une hausse de 0,5% lors des quatre trimestres précédents.
Par ailleurs, la reprise amorcée au premier trimestre au sein de la zone euro a engendré un fort rebond de la confiance des entreprises espagnoles, lesquelles ont alors misé sur une amélioration des perspectives de demande intérieure et extérieures. Ce regain d'optimisme s'est ainsi traduit par une hausse de l'investissement productif notamment dans le secteur des services.
Pour l'année en cours, le gouvernement table sur un objectif de croissance de 1,5%. Toutes choses égales par ailleurs, cette prévision s'avère largement crédible. D'autant plus que les firmes espagnoles ont réalisé de tels gains de compétitivité qu'elles pourraient rapidement profiter d'un rebond du commerce mondial pour grappiller de nouvelles parts de marchés.
L'eldorado portugais.
La péninsule ibérique a décidément le vent en poupe puisque le Portugal a également connu au deuxième trimestre une croissance soutenue de son PIB de 0,3% (après une première estimation à 0,6%). L'amélioration de l'activité économique du pays s'explique principalement par le rebond positif des exportations. Pour mémoire en effet, au premier trimestre la fermeture temporaire de la raffinerie de Sines avait engendré une chute mécanique des exportations provoquant alors une contraction du PIB portugais de 0,6%.
Cet incident a récemment contraint les autorités du pays à corriger à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2014 à 1,0% contre 1,2% précédemment. Mais qu'importe, le Portugal se trouve bel et bien sur un sentier de croissance positif comme en témoigne notamment le redressement du moral des ménages qui se traduit par une hausse des ventes au détail.
Les signaux positifs liés à la reprise du pays ont en outre permis au Portugal d'effectuer son grand retour sur les marchés. Pour preuve, le 23 avril dernier, le Trésor portugais a procédé à une adjudication régulière de dette à dix ans d'un montant de 750 millions d'euros pour un taux de seulement 3,57%. Le temps où les taux longs du pays excédaient les 17% semble donc loin.
C'est dans ce contexte de reprise économique et de détente des conditions de financement que le pays a décidé en mai dernier de sortir de son programme d'aide internationale sans filet de sécurité. Cette décision courageuse du gouvernement de se passer d'une ligne de crédit de précaution témoigne ainsi d'une réelle volonté de tourner la page d'un épisode économiquement douloureux de l'Histoire du pays pour aller de l'avant.
Des signes encourageants en Grèce.
A l'inverse de l'Irlande, de l'Espagne et du Portugal, la Grèce ne connait pour sa part toujours pas de phase de croissance de son PIB. Mais certains signes s'avèrent néanmoins encourageants. Ainsi, en rythme annuel, les deux premiers trimestres ont confirmé une atténuation de la récession (contraction du PIB de -1,1% au premier trimestre puis de -0,3% au deuxième).
Mieux encore, à en croire les propos du ministre de l'économie grec, le pays pourrait enregistrer au troisième trimestre une légère croissance (en glissement annuel) de son PIB, ce qui constituerait une première depuis vingt-quatre trimestres. Une hypothèse plausible au regard des indices PMI manufacturiers qui ne cessent d'osciller depuis dix mois dans une bande allant de 48,7 à 51,3 points (50,1 points en août).
Mais soyons toutefois réalistes. Il est impossible que la Grèce parvienne à tenir son objectif de croissance de 0,6% sur l'ensemble de l'année 2014 comme le prévoit le gouvernement. En revanche, les réformes conduites sur le marché du travail ces dernières années pourraient enfin porter leurs fruits en 2015 célébrant ainsi un retour modéré de la croissance économique.
Progressivement donc, la Grèce redevient un Etat normal. Les marchés aiment d'ailleurs à construire un scénario de type « Greturn » en opposition au « Grexit » qui pendant longtemps a constitué une menace sur l'existence même de la zone euro. Ainsi, profitant du relèvement de sa notation souveraine par les différentes agences de notation, le 10 avril dernier le pays a levé sans aucune difficulté 3,0 milliards d'euros sur cinq ans à un taux de seulement 4,95% alors même que le ministère des finances escomptait placer 2,5 milliards à un taux de 5,30%.
Mais les PIGS demeurent des Etats particulièrement vulnérables.
Mais il n'est pourtant pas question d'affirmer que les PIGS soient définitivement sortis d'affaire. Car la reprise qu'ils connaissent actuellement se révèle très fragile et de nombreux risques sont susceptibles de faire basculer la situation actuelle. Ces risques ont bien évidemment trait à des facteurs économiques mais également sociaux et politiques.
Tout d'abord la déflation. Alors que la zone euro peine à éliminer les risques liés à un décrochage des anticipations des agents économiques, les PIGS ont pour leur part déjà été happés par « l'ogre déflationniste ». Au mois d'août en effet, l'Espagne a affiché un taux d'inflation annuelle de -0,5%, la Grèce de -0,2% et le Portugal de -0,1%. Et si l'Irlande fait pour sa part figure d'exception, force est néanmoins de constater que son taux d'inflation annuelle (+0,6%) demeure bien éloigné de la cible officielle des 2,0%. Or, la déflation constitue une menace sérieuse sur la reprise des PIGS en ce sens qu'elle pourrait modifier en profondeur les comportements des ménages contraignant de fait les débouchés des entreprises pour finalement avoir raison de la reprise actuelle.
Mais ce n'est pas tout. La déflation pourrait participer à annihiler les nombreux efforts qu'effectuent les PIGS pour assainir leurs comptes publics. De manière générale en effet, la déflation engendre un alourdissement des intérêts réels de la dette (entendez la différence entre le taux nominal et le taux d'inflation en l'occurrence négatif) rendant de fait très difficile le processus d'assainissement budgétaire. Or, est-il nécessaire de rappeler que l'endettement public constitue 174,1% du PIB grec, 132,9% du PIB portugais, plus de 120% du PB irlandais et 96,8% du PIB espagnol ?
Sur le front social, le drame du chômage de masse fait également peser un risque sur l'économie des PIGS. En effet, en dépit d'une baisse constante du nombre de demandeurs d'emploi dans les Etats dits d'Europe du sud, les taux de chômage y demeurent toujours particulièrement élevés et les effets bénéfiques de la reprise économique sur le marché de l'emploi apparaissent bien trop lents. Ainsi au mois de juillet, le taux de chômage grec s'établissait à 27%, en Espagne à 24,5%, au Portugal à 14,0% et en Irlande à 11,5%.
Ce dernier point participe à faire monter le risque politique en particulier en Grèce et en Espagne, là où les taux de chômage sont les plus élevés d'Europe. En Grèce par exemple, le parti de la gauche radicale SYRIZIA a remporté en mai dernier les élections européennes et pèse de plus en plus dans le débat politique du pays. Or, si en février 2015 lors des prochaines élections présidentielles le parti SYRIZIA décide de faire cavalier seul, la formation d'une coalition forte (les socialistes étant déjà en difficulté) sera compromise et le pays pourrait être victime d'instabilité politique susceptible d'enrayer la reprise balbutiante et l'ajustement budgétaire en cours. La défiance des marchés serait alors de retour.
Il en va de même en Espagne où, porté par le vote d'indépendance de l'Ecosse, le gouvernement catalan cherche par tous les moyens à faire voter une loi sur l'organisation d'un référendum portant sur l'indépendance de la Catalogne. Et si les chances pour qu'il y parvienne sont maigres, cette montée du désir d'autonomie pourrait contaminer d'autres régions, notamment le Pays Basque, et bloquer le pays dans son ascension constante.
En conclusion, nous assistons à une reprise économique indéniable au sein des PIGS. Celle-ci aurait d'ailleurs de quoi rendre jaloux la France et l'Italie pourtant respectivement deuxième et troisième puissances européennes. Mais clairement cette reprise est inégale. D'un côté en effet l'Irlande semble s'inscrire sur une dynamique de croissance solide alors que de l'autre la Grèce ne peut seulement qu'envisager des perspectives de croissance (ce qui constitue déjà une amélioration de sa situation). Enfin, entre l'Irlande et la Grèce il y a ce ventre mou constitué de l'Espagne et du Portugal, deux nations capables du meilleur comme du pire.
Un rien aujourd'hui semble pouvoir faire basculer le destin de ces pays. Un rien qui pourrait venir des singularités et autres difficultés propres aux PIGS, certes. Mais aussi, comble de l'ironie, un rien qui pourrait venir des grandes puissances d'Europe, France et Italie en tête… 

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