TOUT EST DIT

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jeudi 11 septembre 2014

L’imposture morale

Les Français découvrent, atterrés, que la politique qui se décide au Salon doré de l’Élysée n’est pas différente de ce qui s’échange dans sa salle de bains.
C’est irrattrapable. « En moi, la confiance est morte. » Le mot est de Valérie Trierweiler, la compagne humiliée en public. Elle parle de sa relation avec François Hollande, de la personne privée. Elle écrit : « Le mensonge est ancré en lui comme un lierre se mêle à l’arbre. »Pire encore : avec lui, c’est « un trompe-l’oeil, un jeu de miroirs dans lequel il est impossible de distinguer la vérité ». Et là, comment séparer le bon grain de l’ivraie, la personne privée du personnage public ? Depuis deux ans et demi, les Français ont fini par voir leur chef de l’État comme sa “girl friend” a vu son compagnon ; ils découvrent que la politique qui se décide au Salon doré de l’Élysée n’est pas différente des propos qui s’échangent dans sa salle de bains.
Lui, l’homme de gauche dont la vie a été “vouée aux pauvres”, est ici déshumanisé, creusé par le cynisme, l’indifférence, le mépris. Ce détail, par exemple : « Il n’a jamais invité son père à l’Élysée », témoigne Valérie Trierweiler. Et pourquoi donc ? Il faut relire, sous la plume de François Hollande lui-même, les quelques lignes qu’il consacre à ce père, dans son livre de la campagne de 2012, Changer de destin« Ses idées, écrit-il, [sont] à l’opposé des miennes » « Partisan de l’Algérie française, il professait des opinions qui heurtaient celles qui naissaient dans mon esprit. »
François Hollande ajoutait : « Sans doute est-ce déjà une éducation que d’aller contre celui qu’on aime. Mais au fond je l’en remercie car cette confrontation a aussi forgé mon caractère. » Quel singulier “caractère” que celui qui conduit le fils à ne pas inviter son père à venir dans le palais de la République ! Ce n’est qu’un détail (Mitterrand, lui, invitait tous les siens), mais il rejoint le reste. On ne s’étonne pas que les Français, à leur tour, le disent : “En moi, la confiance est morte.”
Ce président a trop bien incarné la gauche des donneurs de leçons. « Moi, président… » Le voici seul, déconcerté, sidéré sans doute, par les enquêtes d’opinion qui se répètent et se confirment : la plus récente (3-5 septembre), celle de l’Ifop pour le site Atlantico, révèle que 87 % des Français jugent qu’il “ne sait pas où il va”, 84 % (98 % à droite, 61 % à gauche) qu’il “n’est pas compétent”, 83 % qu’il “n’est pas proche de leurs préoccupations”… Ce qui amène sa cote de confiance à 13 % (baromètre TNS Sofres-le Figaro Magazinepublié le 5 septembre).
La posture morale adoptée par lui pendant sa campagne et depuis son installation, relayée par ses soutiens politiques et ses médias amis, a volé en éclats sous les coups de ces mensonges que l’on appelle “affaires” dans la vie publique : le compte en Suisse de Jérôme Cahuzac, ministre du Budget, le cireur de chaussures d’Aquilino Morelle, conseiller spécial du président, et, la semaine dernière, les impôts impayés d’un Thomas Thévenoud, éphémère secrétaire d’État, la dernière en date des provocations à l’endroit de ces 1,3 million de “sans-dents” étranglés par l’impôt, obligés de demander la bienveillance de l’administration fiscale. De tout cela, il ne reste qu’une imposture morale qui devrait interdire à la gauche de se revendiquer de la “dignité”.
Jusqu’où descendra-t-il ? pour reprendre à l’envers la devise du surintendant Fouquet. « On tient, on tient, jusqu’au moment où on ne tient plus », disait Manuel Valls, cité par Valérie Trierweiler, au sujet de Cahuzac : ce qui valait pour cette affaire-là vaut pour l’état actuel du pays. S’il y a tant d’énervement, de crispation et aussi de violence dans le débat public (y compris, la semaine dernière, à l’égard de notre journal, voyez l’éditorial d’Yves de Kerdrel), c’est bien parce qu’un sentiment d’indignation se généralise contre un pouvoir discrédité, abandonné, blessé par sa propre faute, et qui se comporte comme un homme aux abois.
Contraste dévastateur que celui qui va opposer, mardi prochain, le vote de confiance au gouvernement à celui du pays qui lui refuse la sienne. Arrivera le moment “où on ne tient plus”. On ne sait quand. Mais depuis la crise qui a conduit Manuel Valls à expulser les frondeurs de son équipe (à l’exception de l’intouchable Christiane Taubira), les événements s’accélèrent sans que la fronde s’apaise. Gaëtan Gorce, sénateur de la Nièvre, élu sur les terres de François Mitterrand, se demande publiquement comment interrompre la spirale qui précipite par le fond un exécutif privé de légitimité. Par un référendum, mais sur quoi ? Par une dissolution, mais le principal intéressé s’y résoudrait-il ? La question centrale demeure celle de la confiance perdue : on ne peut pas gouverner sans elle. Gaëtan Gorce redoute « une longue agonie, chaque mesure [de réforme] proposée se heurtant à l’impopularité de son auteur ». Et ceci est signé par un sénateur socialiste.

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