TOUT EST DIT

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jeudi 11 septembre 2014

Parlez-vous le Michel Sapin ?



Pour Jean-Pierre Robin, qui a suivi attentivement l'annonce de Michel Sapin de ce matin, le manque de clarté du discours du ministre des finances symbolise l'absence de politique économique claire.
 Des comptes rendus de conseil des Ministres on ne s'attend évidemment pas à éprouver des plaisirs littéraires. Mais au moins espère-t-on y trouver des explications limpides sur les grands sujets du moment, surtout quand il s'agit de «la situation économique et financière» de la France. Or la communication faite ce mercredi 10 septembre par Michel Sapin à cet égard est proprement incompréhensible.
Pour un ministre des finances il enfle à vue d'œil
comme le déficit français

Après avoir annoncé à ses collègues que la croissance économique ne serait que de 0,4% en 2014, soit deux fois plus faible que prévu, tout comme d'ailleurs l'inflation, le ministre des Finances en est venu aux conséquences sur les finances publiques. Et là l'obscurité a été totale.
«Dans ce contexte nouveau, la France n'atteindra pas cette année son objectif de déficit, malgré la maîtrise complète des dépenses de l'Etat: il devrait se situer à 4,4% en 2014», a-t-il expliqué. Or cette phrase n'a strictement aucun sens, car le pourcentage en question ne dit rien sur la chose à laquelle il se rapporte.
On croit deviner bien sûr qu'il s'agit du PIB, le produit intérieur brut, autrement dit la richesse produite par le pays annuellement. Une négligence d'expression dira-t-on si on veut se montrer indulgent. En réalité cette approximation est révélatrice de la confusion généralisée dans laquelle se décide la politique économique et la manière, technocratique et hors sol, dont elle est exposée aux Français.
Tout d'abord l'habitude prise de tout ramener auPIB, le montant des déficits entre autres, est une très grave erreur. Au lieu de dire que le déficit public représentera 4,4% du PIB, ce qui peut paraître marginal en soi, il serait bien plus pertinent d'énoncer qu'il atteindra 88 milliards d'euros cette année. Certes on objectera que ces grands chiffres d'apparence astronomique ne sont pas «parlants» pour le profane, comparés par exemple aux salaires d'un ménage ou à son budget de consommation.
Il y a pourtant une façon de s'en tirer et de présenter les chiffres «macroéconomiques», ceux du PIB notamment qui est de l'ordre de 2060 milliards d'euros, ou du budget de l'Etat qui est de 371 milliards d'euros, en leur donnant un sens. Il suffirait de dire que les recettes de l'Etat ne représenteront que 80% de ses dépenses cette année. Et là chacun saisira immédiatement la gravité de la situation: un ménage ne saurait couvrir ses besoins à hauteur de 80%, sauf à cesser de payer ses impôts et ses loyers. Or bien peu de gens oseraient évidemment recourir à de tels expédients!
On trouve hélas bien d'autres approximations dans la communication de Michel Sapin au conseil des ministres. Ainsi il semble confondre le déficit de l'Etat, ce qui est une chose, avec l'ensemble des déficits des administrations, autrement dit non seulement l'Etat, mais aussi les comptes sociaux et les budgets des collectivités locales. Cette confusion est en réalité permanente et elle ne facilite ni les débats ni leur compréhension par le grand public.


De même la présentation globale qui est toujours faite des «dépenses publiques» fausse totalement les enjeux. Il faudrait au contraire distinguer le plus soigneusement possible ce qui relève des mécanismes d' assurance ( les comptes de la santé, des retraites et du chômage) des dépenses publiques de l'Etat qui sont quant à elles financées par l' impôt. Ce sont deux logiques fondamentalement différentes. Le mélange qui est fait constamment entre les deux domaines tend à déresponsabiliser les publics concernés, c'est-à-dire nous tous.
La communication donnée au conseil des Ministres n'a évidemment guère d'importance en soi si ce n'est qu'elle dénote une grande insouciance: on ne cherche pas réellement à expliquer et encore moins à convaincre. Sinon on saurait trouver les mots justes et concrets au lieu du brouet technique mal assimilé que nous servent les ministres à la radio ou à la télévision.
La fameuse «clarté française» et l'élégance ne sont manifestement pas leur fort. Et pas seulement dans le domaine économique. Ces derniers jours où les vilénies du députéThomas Thévenoud, ont au moins eu le mérite de présenter les problèmes fiscaux de façon vivante et claire pour le grand public, on a entendu un ministre «important» de la République nous dire qu'il était «interpellé au niveau du vécu» (sic).
Se plaindre des défauts d'expression des responsables politiques pourrait apparaître pour de la cuistrerie. Bien au contraire il s'agit d'un problème de fond et de fonctionnement démocratique. Les échecs retentissants de notre politique économique n'ont pas d'autre explication. «Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément» selon le dicton qui devrait s'imposer à tous.

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