TOUT EST DIT

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mardi 4 novembre 2014

Sur le chemin d’Athènes

Écoutons bien Giscard lorsqu’il prédit qu’avant dix-huit mois, la France se retrouvera dans la situation de la Grèce, obligée de se placer sous la tutelle du FMI.
En fin de semaine dernière, la Commission européenne a écrit à Michel Sapin, notre distingué ministre des Finances et des Comptes publics, pour lui signifier que le projet de budget de la France pour 2015 ne tenait pas la route. Bruxelles s’inquiète notamment du déficit budgétaire qui s’accroît à nouveau et va venir grossir une dette qui étouffe progressivement toute l’économie. Vexé comme un pou, François Hollande a déclaré que le gouvernement français répondrait à cette lettre mais sans rien changer à son projet de loi de finances. Finalement, lundi soir, le gouvernement a amendé le budget en diminuant les charges de 3,6 milliards d’euros.
Bien sûr, certains diront que la Commission européenne n’a pas à nous donner des leçons, alors qu’elle a laissé l’Espagne et le Portugal aller dans le mur sans crier gare. Bien sûr, d’autres diront que le président de la République a bien raison de tenir tête à ces technocrates bruxellois qui veulent humilier la France. Bien sûr, derrière toute cette correspondance formelle, il y a aussi le jeu ambigu de l’Allemagne, qui veut contraindre notre pays à respecter les traités sans interférer elle-même dans notre politique budgétaire et dans les réformes annoncées. Il n’empêche que c’est la première fois dans son histoire que la France est sommée de donner des explications sur ses comptes publics, donc sur sa politique à moyen terme, les moyens qu’elle se donne et les réformes qu’elle envisage. C’est la première fois que la France, cinquième économie au monde et l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu pourvu du droit de veto, prend publiquement des coups de règle sur les doigts, comme le cancre de la grande classe européenne. C’est dire si le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe, lui qui n’avait pas hésité à mener la politique de la chaise vide à Bruxelles, entre juin 1965 et janvier 1966.
Mais il y a plus grave que la lettre, écrite en anglais, d’un obscur commissaire européen nous demandant quelques explications techniques. Au cours du week-end dernier, et en plein milieu des vacances de la Toussaint, l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing a accordé une longue interview à nos confrères du Figaro. Du haut de ses 88 ans, il se permet de remettre l’église au milieu du village. « Depuis dix ans, la France, comme tous les pays de l’Europe latine, s’est laissée aller au dévergondage budgétaire », assène-t-il d’emblée avant de rappeler que « les déficits ont des conséquences invisibles sur la dette. L’opinion ne les mesure pas. Elle croit qu’il existe un trésor caché qui payera la dette ». Et l’ancien chef de l’État de prédire le pire : « Aujourd’hui, nous sommes protégés par des taux d’intérêt très bas, mais c’est provisoire. […] Le changement de la politique monétaire américaine aura des conséquences sur les taux d’intérêt exigés par les créanciers de l’État français. Ce jour-là, notre pays risque de se retrouver dans la situation qu’a connue la Grèce. Les pouvoirs publics seront conduits à demander l’aide du FMI. ».
Autant VGE n’a pas toujours fait preuve de clairvoyance en matière sociétale ou d’immigration lorsqu’il était à l’Élysée, autant peu nombreux sont ceux qui peuvent prétendre que son jugement économique n’est pas fondé. Tout jeune ministre des Finances du général de Gaulle, il avait même préparé l’instauration d’une règle d’or pour empêcher la France de tomber dans le piège de l’endettement.
Tout cela donne du crédit à ses propos lorsqu’il voit la France emprunter le chemin de la Grèce, avec une dette qui va dépasser dans les mois à venir 100 % de notre richesse nationale et des intérêts annuels qui représentent 48 milliards d’euros. Le pire sera surtout le moment où les investisseurs étrangers commenceront à prendre peur. Déjà, la semaine passée, l’un des principaux gestionnaires américains de fonds spéculatifs a annoncé qu’il vendait tout ce qu’il détenait en titres de la dette française et qu’il achetait des actions grecques !
Et encore, l’ancien président de la République est optimiste lorsqu’il déclare que ce scénario apocalyptique pourrait intervenir d’ici dix-huit mois. Tout indique qu’il devrait se produire bien plus vite. Surtout si la croissance française ne redémarre pas, si Manuel Valls est contraint de quitter Matignon, si la gauche, comme l’a reconnu François Rebsamen, demeure « en situation d’échec » et si François Hollande se refuse à renverser la table d’un État providence en faillite. Il ne lui restera plus alors qu’à rejoindre le perron de l’Élysée et à attendre l’arrivée de Christine Lagarde, directrice générale du FMI, venant lui annoncer qu’elle a accepté de prendre la France sous sa tutelle.

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