TOUT EST DIT

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mercredi 21 janvier 2015

Camille Pascal : "De petites fissures…dans l'unité"

La traversée du temps. Nous pouvons être fiers de l’esprit d’unité de la France face au terrorisme ! Mais d’autres témoignages, de haine, ne cessent de me hanter.
Cette chronique n’a pas d’autre ambition que de jeter sur l’actualité en général, et la société française en particulier, un regard distant, nostalgique parfois, mais toujours amusé, faute de parvenir à être amusant. Aussi n’imaginais-je pas devoir commenter, un jour, des événements qui relèvent de l’actualité de guerre. Le lecteur qui me fait l’honneur de me lire, toutes les semaines et depuis deux ans, aura compris que je n’aime pas tremper ma plume dans l’encre trop épaisse de la gravité.
J’ai donc longuement hésité à aborder les tueries dont la France vient d’être le théâtre épouvanté. Des policiers, des journalistes, des humoristes, une psychanalyste, des employés, les clients d’une épicerie casher ont été abattus de sang-froid par des tueurs qui ne leur ont laissé aucune chance. Il n’était pas possible de rester silencieux ni même, par pudeur, de traiter d’autre chose.

La dignité et l’esprit d’unité, malgré quelques hoquets fâcheux, dont le pays a fait preuve face à l’attaque terroriste, ont pu, je crois, remplir chacun de fierté.
La rencontre, puis la poignée de main, entre l’ancien président de la République et l’actuel occupant de la fonction fut un symbole fort et rassurant.
Personne n’a plus idée aujourd’hui de polémiquer sur le coût de la protection rapprochée de certaines personnalités. Personne n’est venu contester le nombre impressionnant de ceux qui ont manifesté dans toute la France leur soutien aux victimes et leur refus de la haine. Personne n’a reproché au bourdon de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui accompagne les joies et les peines de la capitale depuis huit siècles, d’avoir sonné le glas au moment où tous les drapeaux français étaient mis en berne. Personne, enfin, n’a refusé de chanter la Marseillaise au prétexte que ses paroles seraient d’une autre époque.
Pour autant, j’ai le sentiment que des milliers de petites fissures terribles et anonymes sont venues insidieusement lézarder le mur de la cohésion nationale. Dès les premières heures suivant l’attentat du 7 janvier, j’ai, comme beaucoup, cherché à m’informer sur le Net, mais en découvrant les centaines de commentaires qui avaient déjà été laissés là, comme autant d’insultes à la douleur, j’ai vu ce que j’aurais aimé ne pas voir. J’ai lu des témoignages de haine pure, également partagés entre ceux qui accusaient, en bloc, la communauté musulmane de notre pays et ceux qui, en face, se réjouissaient du sort réservé aux caricaturistes de Charlie Hebdo. Lors du respect de la minute de silence en l’honneur des victimes de ces massacres on a, semble-t-il, entendu dans des établissements scolaires des propos qui venaient s’ajouter à ceux qui circulaient déjà sur les réseaux sociaux.
Je veux croire de toutes mes forces à l’unité de la nation dans l’épreuve et dans sa capacité de réaction, mais ce que j’ai lu le jour même du massacre de la rédaction de Charlie Hebdo ne cesse pas de me hanter.

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